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s’y rangea. » Le premier académicien qu’on reçut après lui et qu’on reçut en public (janvier 1673) fut Fléchier, digne d’une telle inauguration. Perrault, qui mettait les modernes si fort au-dessus des anciens, comptait parmi les plus beaux avantages de son siècle cette cérémonie académique, dont il était le premier auteur. « On peut assurer, dit-il, que l’Académie changea de face à ce moment ; de peu connue qu’elle étoit, elle devint si célèbre, qu’elle faisoit le sujet des conversations ordinaires. » - Perrault, en effet, avait bien vu ; cet homme d’esprit et d’invention, ce bras droit de M. Colbert, qui jugeait si mal Homère et Pindare, entendait le moderne à merveille ; il avait le sentiment de son temps et de ce qui pouvait l’intéresser ; il trouva là une veine bien française, qui n’est pas épuisée après deux siècles ; on lui dut un genre de spectacle de plus, un des mieux faits pour une nation comme la nôtre, et l’on a pu dire sans raillerie que, si les Grecs avaient les Jeux olympiques et si les Espagnols ont les combats de taureaux, la société française a les réceptions académiques.

Les discours de réception se ressentirent de la publicité dès le premier jour : « Mais j’élève ma voix insensiblement, disait Fléchier, et je sens qu’animé par votre présence, par le sujet de mon discours (l’éloge de Louis XIV), par la majesté de ce lieu (le Louvre), j’entreprends de dire faiblement ce que vous avez dit, ce que vous direz avec tant de force… » Dès ce moment, le toa ne baissa plus ; la dimension du remerciement se contint pourtant dans d’assez justes limites, et la harangue, durant bien des années, ne passa guère la demi-heure. Le fameux discours de Buffon lui-même, qui fut une sorte d’innovation par la nature du sujet, n’excéda en rien les bornes habituelles. On commençait vers la fin du siècle à viser à l’heure. M. Daunou remarquait, à propos du discours de réception de Rulhière, que, succédant à l’abbé de Boismont, il avait voulu donner à son morceau une étendue à peu près égale à celle d’un sermon de cet abbé. Garat, recevant Parny, parut long dans un discours de trois quarts d’heure. Mais, de nos jours, les barrières trop étroites ont dû céder ; les usages de la tribune ont gagné insensiblement, et l’on s’est donné carrière. En même temps que les complimens au cardinal de Richelieu, au chancelier Seguier et à Louis XIV, s’en sont allés avec tant d’autres choses, le fond des discours s’est mieux dessiné : celui du récipiendiaire est devenu plus simple (plus simple de fond, sinon de ton) ; après le compliment de début et la révérence d’usage, le nouvel élu n’a qu’à raconter et à louer son prédécesseur. Quant à la réponse du directeur, elle est double : il reçoit, apprécie et loue avec plus ou moins