Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/501

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donner l’investiture épiscopale : il accepta cette situation difficile, et, tout en la souhaitant moins équivoque, il s’efforça d’en tirer parti. Il sentait bien qu’il était dans l’église le représentant trop direct du gouvernement temporel, et que c’était là une dépendance qui l’affaiblissait ; il savait encore mieux qu’il ne fallait pas compter sur le saint-siège pour travailler à la réforme des abus et au progrès des idées, et, n’y comptant pas, il n’ignorait point qu’il se mettait en péril de schisme. Il ne voulait pourtant ni du rôle de schismatique ni de la condition de fonctionnaire. Les yeux fixés sur l’église primitive, il en rêvait un peu le retour comme on le rêvait à Port-Royal. Il eut le talent d’inspirer ces généreuses illusions à tous les prêtres qu’il forma. Il en fit des hommes éclairés et respectés. Son plus pratique désir, c’eût été d’obtenir une constitution publique et une dotation fixe pour l’église d’Allemagne, c’eût été de ranger cette église entière sous l’autorité d’un primat national et sous la garantie d’un concordat avec Rome. En 1815, il crut un moment ses vœux réalisés. M. de Hardenberg parla sérieusement au congrès de Vienne d’organiser l’église catholique sur des bases analogues à celles que proposait le vicaire-général de Constance, il y eut même un article rédigé et discuté qui faillit prendre place dans le pacte fédéral ; mais la cour pontificale intervint avec son habileté ordinaire. Le cardinal Gonsalvi mena toute l’affaire à bonne fin, et sur la demande de la Bavière il fut décidé qu’on ajournerait une question si délicate. Le saint-siège réclamait d’ailleurs bien autre chose ; il entendait qu’il ne serait point tenu compte des faits accomplis, que l’église recouvrerait tous ses domaines, que les électorats archi-épiscopaux seraient reconstitués, que le saint-empire germanique, consacré par l’autorité de la religion, serait réintégré ; il exigeait en un mot, au nom de la foi catholique, une complète restauration des établissemens du moyen-âge. Quelle que fût la bonne volonté des hautes puissances contractantes, elle n’était pas au niveau de cette superbe confiance dans le droit absolu du passé. Le saint-empire ne ressuscita point ; M. de Wessenberg alla reprendre la direction de son évêché sans que rien eût été réglé pour le gouvernement général des églises allemandes, et celles des bords du Rhin demeurèrent, vis-à-vis de Rome, dans cet isolement auquel leurs propres pasteurs les avaient habituées dès le milieu du XVIIIe siècle.

Cependant les princes se voyaient de plus en plus pressés par l’opinion constitutionnelle ; sommés d’accomplir les promesses de liberté qu’ils avaient publiquement données, ils se défendaient en criant à l’anarchie et en se retranchant derrière leur légitimité. Or, quelle était