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deviner les révélations que l’avenir tenait en réserve, et la part d’invention que des intelligences supérieures sauraient plus tard appliquer à la critique.

Auguste-Guillaume Schlegel naquit à Hanovre le 5 septembre de l’année 1767. Avant lui déjà, quelque célébrité littéraire était attachée au nom de sa famille. Son père, Jean-Adolphe Schlegel, ministre de l’église réformée et prédicateur éloquent, avait composé des cantiques religieux ; il se trouvait en relations d’amitié avec Rabener, Gellert, Klopstock et d’autres écrivains distingués. Jean-Henri Schlegel, frère de Jean-Adolphe, avait traduit des fragmens de Thomson ainsi que plusieurs pièces du théâtre anglais, et écrit des ouvrages historiques sur le Danemarck, où il passa une partie de sa vie. Un autre frère de Jean-Adolphe, Jean-Elie, à la fois poète dramatique et philologue, mérite une place à part dans l’histoire du développement intellectuel de l’Allemagne : il était alors le plus célèbre des Schlegel. Tous avaient uni le goût de la poésie à des études plus sévères ; il est permis de supposer que ce spectacle influa sur les dispositions du jeune Schlegel et de son frère Frédéric. A mesure que leurs goûts s’éveillèrent, ils purent trouver dans le sein de leur famille des exemples et des conseils. Auguste-Guillaume acheva sa première éducation dans la maison paternelle et dans les écoles de sa ville natale, où il annonça déjà les qualités qui le distinguèrent éminemment, surtout une aptitude remarquable pour l’étude des langues. Dès cette époque, sans doute, il se familiarisa avec la langue française, car les premiers travaux de critique qu’il publia peu d’années après supposent une connaissance approfondie de notre littérature, et déjà aussi témoignent de son hostilité. Déjà il puise volontiers chez nous l’exemple des défauts dont il veut préserver ses compatriotes. C’est à grand’peine qu’il reconnaît dans nos écrivains quelques qualités assez humbles, du moins à ses yeux, la clarté, la concision, la pureté.

Au sortir du collége, M. Schlegel fut envoyé à Goettingue pour y apprendre la théologie. L’université de Goettingue offrait alors l’aspect le plus animé. D’un côté, Heyne, auquel Heeren devait bientôt venir en aide, renouvelait avec ferveur l’étude de l’antiquité, et offrait l’alliance, encore peu commune, de l’érudition et du goût. D’autre part, il s’était formé une école de poètes pleins de confiance dans l’avenir de l’art, et s’encourageant mutuellement à tenter des voies nouvelles. Hoelty, à cette époque, était déjà mort ; mais Schlegel trouva encore réunis à Goettingue Stolberg, Miller, Boie,