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l’histoire de la philosophie, mais il soutient que, comme système, il est impuissant à réunir les parties de la vérité qu’il prétend éparses. Peut-être nous est-il permis de remarquer que, si ces critiques sont justes, elles ne sont pas tout-à-fait nouvelles.

Du reste, au point où en sont arrivés aujourd’hui les esprits, il importe assez peu qu’on conteste la valeur systématique de l’éclectisme, puisqu’il se distingue surtout en ce moment par ses mérites historiques. Le passé exploré dans ses espaces les plus lointains et à des profondeurs qui paraissaient inaccessibles, d’obscures et difficiles théories traduites avec une élégante clarté, sont les véritables titres d’une école qui se trouve dans l’heureuse impuissance d’être intolérante, puisque sa force est précisément dans l’amas des richesses qu’elle exhume et qu’elle accumule. Quelques-uns préféreront Aristote à Platon ; pour d’autres, Kant sera trop circonspect, et ils inclineront plutôt à Spinoza. Au milieu de ces divergences, brille toujours un point central et lumineux, le principe de l’indépendance de l’esprit humain. M. Bordas-Demoulin a pour le platonisme une dévotion ardente ; ne nous plaignons pas de cette piété envers l’artiste grec, piété qui pourra l’inspirer éloquemment. M. Demoulin se sépare de l’école régnante. Il s’isole pour mieux se distinguer. Puisse sa solitude être féconde ! L’uniformité nous tue. Bénis soient ceux qui nous apporteront des contrastes et de l’originalité !

L’esquisse d’une histoire générale de la philosophie que M. Bordas-Demoulin nous offre dans ses Mélanges se compose de fragmens rédigés à des époques diverses. Le ton vigoureux de quelques morceaux ne suffit pas pour compenser la faiblesse de l’ensemble, surtout si l’on met un tableau pareil en regard des importans travaux dont s’est enrichie dans notre époque l’érudition philosophique. M. Bordas-Demoulin se tromperait fort s’il pensait que, pour avoir écrit vingt pages sur Platon, il a restauré le platonisme..« Le dieu de Platon, s’écriait Voltaire, est-il dans la matière, en est-il séparé ? O vous qui avez lu Platon attentivement, c’est-à-dire sept ou huit songe-creux cachés dans quelques galetas de l’Europe ! si jamais ces questions viennent jusqu’à vous, je vous supplie d’y répondre. » Aujourd’hui, grace aux travaux de Schleiermacher et de M. Cousin, Platon n’est plus réduit à quelques songe-creux pour admirateurs ; il est lu généralement, il est goûté, il est compris. Toutefois la critique philosophique n’a point encore rendu sur ce grand homme un jugement complet et définitif. Quelle a été vraiment la puissance métaphysique de Platon ? A quel système un, positif, s’est-il enfin arrêté au milieu de toutes les