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nul doute qu’il en aurait usé pour ne pas conclure cette union si malheureuse. On verra quelle triste commission lui était imposée.

Lord Malmesbury arrive à Brunswick. A sa première entrevue avec la princesse, il trouve une jeune fille fort ordinaire, assez embarrassée de sa personne, avec une jolie figure, de beaux yeux, des dents qui commencent à se gâter, des cheveux blonds, et, dit-il, avec ce que les Français appellent des épaules impertinentes. Le 2 décembre 1794, il signe le contrat. La petite cour de Brunswick est dans le ravissement, et la princesse prend le titre de princesse de Galles.

Alors, comme il arrive souvent, les défauts de la mariée paraissent l’un après l’autre après la noce. Le père prend à part lord Malmesbury et lui tient un long discours sur sa fille. « Elle n’est pas bête, dit-il, mais elle n’a pas de jugement ; elle a été élevée sévèrement, il le fallait. Recommandez-lui, ajoute-t-il, de ne pas faire de questions, de ne pas se montrer jalouse avec le prince ; s’il a des goûts, qu’elle n’y prenne pas garde. » Le duc avait écrit tout cela pour l’usage de sa fille ; mais, appuyées par lord Malmesbury, ses observations n’en auraient que plus de force.

Vient Mlle de Herzfeldt, la maîtresse du duc, qui fait aussi ses recommandations. « Il faut, dit-elle, tenir sévèrement la princesse ; elle n’est pas méchante, mais elle manque de tact. » La pauvre princesse arrive à son tour, et paraît faire assez bon marché d’elle-même, car elle prie lord Malmesbury de la guider. L’ambassadeur lui donne le conseil sommaire de garder un complet silence sur tous les sujets pendant les six premiers mois après son arrivée en Angleterre. Effectivement, en ne disant rien, il était difficile de dire quelque chose de trop. Une autre fois, il lui recommande de n’exprimer, autant que possible, aucune opinion, de ne parler ni politique ni affaires. Cela ressemble à la liberté de la presse dont parle Figaro ; on peut parler de tout, excepté de religion, de politique, etc., en un mot de tout ce dont on parle.

La princesse montre, du reste, un fort bon naturel. Elle prend bien tous les avis, et même elle les demande. Ceux de lord Malmesbury sont fort sages ; c’est un vrai catéchisme. Il engage la princesse à ne pas écouter les commérages, à ne pas confondre la bienveillance avec la familiarité. Mlle Hertzfeldt le prend à part, et lui dit (en français) : « Je vous en prie, faites que le prince fasse mener, au commencement, une vie retirée à la princesse. Elle a toujours été très gênée et très observée, et il le fallait ainsi. Si elle se trouve tout à coup dans