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des enfans trouvés dans les temps modernes. Il existe ici une division entre les pays catholiques et les pays protestans. Les uns ont ouvert un grand nombre d’asiles aux nouveau-nés ; la France en comptait à elle seule trois cent soixante-deux, autant que d’arrondissemens ; les autres n’ont voulu instituer pour ces malheureux aucuns secours publics. Tandis que la France, la Belgique, l’Italie, l’Espagne, l’Autriche, entraient, avec la passion de la charité, dans la voie ouverte par Vincent de Paule, et ajoutaient même à la liberté des admissions un voile impénétrable, l’Angleterre refusait absolument de les suivre et continuait à se passer d’hospices. A Londres, dont la population est de 1,250,000 habitans, les nouveau-nés sont recueillis, comme autrefois en France, par la charité particulière, ou élevés aux frais des paroisses. L’état ne fait rien pour eux. Il est naturel de se demander si le nombre des naissances abandonnées est moindre dans les pays protestans, où la liberté du tour n’existe pas, que dans les pays catholiques, où l’institution reçoit tout ce qui se présente. Selon un économiste connu par ses recherches sur l’état des enfans trouvés dans les divers pays de l’Europe, M. de Gouroff, Londres n’a eu dans l’espace de cinq ans, depuis 1819 jusqu’à 1823, que 15 enfans exposés. Le nombre des enfans illégitimes reçus dans les quarante-quatre maisons de travail ne s’est élevé dans le même espace de temps qu’à 9,668, ce qui fait une moyenne de 933 par année. A Paris, où la population est beaucoup moins considérable, on a reçu dans la même époque 5,000 enfans, année commune, à l’hospice dit de la Maternité. Ces calculs ont été récemment attaqués par M. de Lamartine. Suivant lui, l’Angleterre aurait, sous un nom plus honnête, trois fois plus d’enfans trouvés à la charge de l’état que nous n’en avons en France. L’attaque manque, au reste, d’une base solide. A des chiffres, il faudrait répondre par des chiffres, et l’opinion de M. de Lamartine n’a jusqu’ici pour elle aucune statistique.

Si le nombre des enfans trouvés varie avec les latitudes du globe, leur condition n’est pas non plus la même chez toutes les nations modernes. En Espagne, les fils d’origine inconnue étaient regardés, dit-on, comme gentilshommes. Le peuple le plus fier et le plus pauvre du monde donnait aux enfans trouvés ce qu’il avait de mieux, la noblesse. Il aimait à étendre le manteau troué du caballero sur la naissance douteuse de ces infortunés qui sont traités ailleurs comme des esclaves. En Russie, les enfans exposés appartiennent encore de nos jours à celui qui les a recueillis, si toutefois il est noble ; dans le cas contraire, ils sont, inscrits parmi les paysans de la couronne. On voit