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trouvé cesse d’être à la charge de l’hospice. Il va entrer en apprentissage. Plusieurs d’entre eux restent alors sous le toit où ils ont grandi ; d’autres sont placés, les garçons chez des laboureurs et des artisans, les filles chez des ménagères et dans des ateliers de couture. Cette destination n’est pas blâmable dans l’ensemble ; sortis du peuple, les enfans trouvés retournent au peuple, à cette masse utile de travailleurs qui fécondent le sol ou alimentent l’industrie. La terre, cette mère du genre humain, suivant les anciens poètes, reçoit les soins et les âpres caresses de ces enfans qui n’ont qu’elle au monde pour les nourrir. Il nous semble néanmoins indigne de la France, pays de lumières et de liberté, de niveler, sans distinction aucune, le développement moral de tous ces pauvres enfans au degré le plus bas de l’échelle. Chez d’autres peuples moins civilisés que le nôtre, à Moscou par exemple, on mesure le degré d’instruction des enfans trouvés à leur intelligence et à leur capacité naturelle. Il en résulte que plusieurs d’entre eux s’élèvent dans la société au-dessus de la ligne ordinaire. En France, c’est tout le contraire : la destination de ces malheureux bâtards a toujours eu quelque chose d’uniforme : ouvriers ou soldats, ils n’ont guère dépassé les conditions civiles les plus obscures ou les grades les plus infimes de la milice. Une telle limite n’est à coup sûr pas tracée par la nature. Non, ce niveau fatal est l’ouvrage de la société, qui communique chez nous aux enfans trouvés une éducation également médiocre et bornée. On cite bien parmi eux, outre quelques célébrités anciennes, des chirurgiens qui se sont dernièrement rendus utiles, des vicaires de campagne, des professeurs ; mais ces exceptions assez rares ne font que démontrer l’injustice de la règle. Il y a certes là une masse de besoins en souffrance, et, qui plus est, de besoins moraux, qui, selon nous, réclament une satisfaction.

Nous avons vu que le caractère des enfans trouvés se formait mal dans l’intérieur d’un hospice. Des témoignages d’une authenticité accablante déclarent ces élèves cloîtrés de la charité publique inférieurs, pour le physique et pour le moral, à la moyenne de la population ordinaire. En est-il de même des enfans élevés à la campagne ? Non, sans doute. Ces derniers se montrent capables d’affection et de reconnaissance. A Dieu ne plaise que nous voulions faire peser un préjugé injuste sur des malheureux déjà si chargés par le hasard de leur naissance ! toutefois, il faut bien le dire, nous avons rencontré à Paris et ailleurs un assez grand nombre de ces enfans, et nous les avons trouvés partout d’une race reconnaissable. Les filles surtout nous ont frappé ; bien peu d’entre elles ont une figure intéressante. Presque