Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le mouvement des élèves de la Maternité est de 130 à 150 enfans, tant trouvés qu’abandonnés ou orphelins. Cette population flottante ne fait, en général, que paraître et disparaître dans la maison. On conçoit que les frères de la doctrine chrétienne et les sœurs qui sont chargées de l’enseignement doivent avoir peu de goût à remplir leurs devoirs dans de pareilles conditions. L’école existe, mais les écoliers manquent, ou du moins ils sont trop peu stables pour que les leçons données leur profitent. Afin de ne pas décourager tout-à-fait les efforts des frères et des religieuses qui exercent ces fonctions ingrates, on a institué dans la maison un noyau de 14 filles et de 14 garçons. Ces élèves, choisis parmi les enfans des deux sexes qui manifestent les meilleures dispositions intellectuelles, demeurent là environ deux années, durant lesquelles ils suivent les classes avec assiduité. Leur éducation se borne d’ailleurs aux élémens du calcul, du dessin et de l’écriture. On s’occupe surtout de développer chez ces enfans le sentiment religieux. Ce soin est digne d’éloges : donnons un père et une mère dans le ciel à ceux qui n’en ont pas sur la terre. Je n’ai pu entendre sans attendrissement ces enfans délaissés à leur naissance réciter en chœur, au lever du matin, les premiers mots d’une prière bien commune, mais toute particulière dans leur bouche : Pater noster, qui es in coelis ! En visitant la chapelle, où mes yeux cherchaient partout les richesses de l’ancienne église de l’Oratoire et ne rencontraient que des bancs de bois, des murs peints en marbre, de mauvaises toiles, j’avisai aussi dans un coin une statue en plâtre de la vierge Marie, autour de laquelle quelques jeunes filles se tenaient à genoux. Il y avait, dans une scène si simple et si touchante, quelque chose qui allait au cœur. Les pauvres filles semblaient avoir retrouvé dans cette maternité divine une consolation à leur malheur : elles n’étaient plus orphelines.

En résumé, les secours matériels ont été assez largement distribués aux enfans trouvés ; il n’en est pas de même des secours moraux. On a veillé à la salubrité du local dans l’intérieur de l’hospice. On leur a assuré ensuite le lait nourricier, ce pain quotidien du premier âge ; mais on a négligé de leur servir le pain de l’éducation, le pain de l’esprit. Que résulte-t-il de cette absence d’enseignement ? C’est que bien peu d’entre eux arrivent à triompher de l’infortune de leur naissance. La nourrice a reçu de l’administration 9 francs pour les premiers mois ; la somme a été ensuite en décroissant jusqu’à l’âge de sept années ; on transforme alors cette rétribution en une pension annuelle de 48 francs. A douze ans, la pension cesse ; à douze ans, l’enfant