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l’Évangile : Invenietis infantem, pannis involutum. Plus haut, une autre inscription latine donne l’explication de ce texte et de l’image taillée au ciseau sur la muraille : Sanctissimœ trinitati et infantioe Jesu sacrum. Cette église était en effet consacrée au mystère de la sainte enfance de Jésus-Christ. Par quel hasard, nous dirions volontiers par quelle providence, ces murs, destinés à recueillir plus tard l’enfance abandonnée, furent-ils élevés dès l’origine en l’honneur de l’Enfant-Dieu couché dans une crèche et enveloppé de misérables langes ? On adorait la pauvreté du premier âge dans ces mêmes lieux où l’on s’occupe maintenant à la secourir.

Pendant la journée, l’hospice des Enfans-Trouvés ne présente à l’extérieur rien de remarquable. Ses fonctions ne commencent, pour ainsi dire, qu’à l’heure des ténèbres et du crime. Il est minuit : la rue d’Enfer est déserte ; les lumières, le bruit, le mouvement des voitures publiques, tout s’éteint de moment en moment. Une pâle clarté tombe des étoiles et de la lune sur les maisons endormies, sur la double rangée d’arbres qui bordent l’avenue de l’Observatoire, sur cet édifice même, qui détache dans un coin obscur du ciel sa masse tronquée. Au milieu de cette nuit silencieuse, au milieu de ce grand sommeil qui enveloppe de son aile un des quartiers les plus paisibles et les plus reculés de la ville, n’apercevez-vous pas, à l’une des fenêtres de l’hospice qui s’ouvrent au rez-de-chaussée sur la rue d’Enfer, une lampe allumée derrière un rideau de toile ? Quelquefois encore, sur un des points élevés de l’Observatoire, une lunette, dirigée par une main invisible, guette le lever des astres et les mouvemens du ciel. Voilà les seuls objets qui annoncent à cette heure avancée la présence de l’homme au milieu de la solitude et du repos. Marchez doucement, passant attardé, et recueillez-vous : cette lunette qui regarde, c’est la science ; cette petite lumière qui veille, c’est la charité ! Cependant le léger tintement d’une clochette avertit votre oreille ; un cylindre de bois, fixé dans le mur de l’hospice, exécute un demi-mouvement de rotation sur lui-même ; une femme, couverte d’un long châle, la tête cachée sous un voile noir, glisse furtivement à côté de vous dans l’ombre. C’en est fait, le mystère d’abandon est accompli : un pauvre nouveau-né vient de tomber dans la fosse commune de la charité, où il perd, en commençant de vivre, son nom et son existence civile[1].

  1. Nous avons cru devoir indiquer l’état de l’hospice de Paris jusqu’au commencement de 1846, sans nous préoccuper des changemens plus ou moins prochains qui doivent modifier le système d’admission suivi jusqu’à ce jour.