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la mort avait enlevé la bienfaitrice. Quel spectacle ! De petits êtres, jetés les uns auprès des autres et mêlés à des cadavres, se tordaient en criant sur de fétides grabats. Le bon prêtre s’en retourna consterné. Bientôt cependant une résolution prompte comme l’éclair déchire le voile de ténèbres et de mélancolie dont son ame était couverte. — Avec l’aide de Dieu, s’écrie-t-il, je sauverai ces enfans ! — Mais que pouvait-il par lui-même ? Cet homme avait le génie de la charité ; il comprit qu’il fallait intéresser les femmes à son œuvre. On sait le reste. Vincent de Paule commença par former une association à l’aide de laquelle on loua, en 1638, une petite maison à la porte Saint-Victor. Il n’était pas encore content ; il se disait que son œuvre finirait comme les précédentes, s’il ne parvenait à la faire revêtir d’un caractère public : les hommes passent, la société reste.

Vincent de Paule fit monter sa voix ou plutôt le cri des petits enfans jusqu’à la cour. Le roi Louis XIII accorda à l’œuvre des enfans trouvés les bâtimens de Bicêtre, ce sombre château où se sont promenées toutes les grandeurs et toutes les misères humaines. L’air y était trop vif pour les nouveau-nés. L’hospice des Enfans-Trouvés de Paris, situé plus tard au faubourg Saint-Lazare et en dernier lien rue Notre-Dame, dans une maison appelée la Marguerite, fit venir des nourrices auxquelles on donna des nourrissons pour les élever à la campagne. Au bout de six ans, ils revenaient à la maison de Paris, où l’on s’occupait du soin de leur éducation. À l’âge de dix à onze ans, on les mettait en apprentissage ; enfin, lorsqu’ils avaient atteint leur seizième année, ils recevaient, pour dernier secours, une somme qui les aidait à commencer l’exercice de l’état qu’ils avaient choisi. Ce régime dura ainsi pendant un siècle et demi ; la révolution y finit fin. L’hospice des Enfans-Trouvés changea d’abord d’emplacement : l’ancienne abbaye de Port-Royal et la maison d’institution de l’Oratoire, situées à l’extrémité méridionale de Paris, formèrent les deux sections de l'Hospice de la Maternité. Ce transfert, motivé par les améliorations et les accroissemens du service, reconnaissait encore une autre cause. Les monumens ont, comme les diverses productions du sol, leur loi géographique ; ils sont nécessités par la nature et les besoins des quartiers au sein desquels nous les voyons s’élever. Les femmes pauvres accouchaient autrefois à l’Hôtel-Dieu dans des lits à trois ou à quatre, et les enfans dont on voulait se défaire étaient déposés, comme nous l’avons dit, dans une maison voisine. Cette situation des établissemens de secours tenait à ce que la Cité était alors le centre de la misère et de la débauche. À la chute des ordres religieux