Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

désir d’uniformité dans la religion, exprimé dans leur huitième article ; je veux dire ce que vous m’avez déjà communiqué. Je désire le relire avant que nous entamions ce débat, qui aura lieu bientôt.

« Votre serviteur,

« OLIVIER CROMWELL. »


Lorsque le domestique de Cromwell porta ce petit billet à M. Willingham, dans Swithin’s-Lane (où demeure aujourd’hui M. de Rothschild le banquier), on était en 1640, à la veille de la guerre civile ; bien d’autres préoccupations religieuses et politiques, toutes dirigées vers le même but, absorbaient Cromwell, qui n’était encore que le « seigneur des marécages. »

Près de Saint-Yves s’étendait un pâturage fertile et marécageux, qui devait à cette particularité le nom de Soke of Sommersham[1]. Les pauvres paysans du voisinage y menaient paître leurs troupeaux, et c’était pour eux un bénéfice. La reine Henriette, fille de Henri IV, imagina, pour récompenser un serviteur, de faire enclore de haies la commune, et de la donner à cette personne, qui se hâta de réaliser le cadeau royal. Les terrains, vendus à lord Manchester, ministre du sceau privé, et à son célèbre fils Mandeville, se trouvaient arrachés à l’utilité publique. Le canton spolié réclama par l’organe de Cromwell ; pour la quatrième fois, il est en guerre avec le pouvoir. Il a soutenu les prédicateurs de ses deniers et de son influence, dénoncé les orateurs papistes, lutté contre le conseil d’état pour le desséchement des marais de sa province. Ici on le retrouve encore debout, pour l’intérêt populaire et l’intérêt local, en face du puissant Mandeville et de l’éloquent Clarendon. Sans doute sa voix fut rude et son procédé brutal ; mais, après tout, il voulait que justice fût faite à ces pauvres manans, et il n’avait pas tort.

Qu’on lise chez Clarendon le récit de cette affaire ; on verra Cromwell prêt à sa grande lutte. — « Je me trouvai, dit Clarendon, président d’un comité particulier convoqué à propos de grandes étendues de terres incultes qui appartenaient aux manoirs de la reine, et que l’on avait encloses sans le consentement des fermiers ; ces enclos avaient été donnés par la reine à un serviteur de grande confiance, et celui-ci avait aussitôt vendu les terrains enclos au comte de Manchester, lord du sceau privé, lequel ainsi que son fils Mandeville faisaient en ce moment tous leurs efforts pour maintenir les clôtures ; contre eux s’élevaient les habitans de tous les autres manoirs, lesquels réclamaient le

  1. Du mot soak, tremper, mouiller,