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Olivier Cromwell vint siéger avec le puritain John Lowry, il entendit les rues de Londres retentir de la ballade qui nous a été conservée :

Grand merci[1], bon maître écossais ;
C’est vous qui sauvez l’Angleterre, etc.

Le peuple s’attroupe autour de ces chanteurs des rues, et bénit les frères écossais, armés pour l’uniformité biblique, le règne des saints sur la terre et l’expulsion de toutes les mitres et de toutes les crosses. Cependant, — il y a, « près de l’église de Sainte-Bride, » un homme instruit, qui a voyagé, qui sait plusieurs langues, mélancolique comme Cromwell et puritain comme lui ; il prépare plusieurs pamphlets, et il s’appelle M. Milton. Trois cents autres pamphlétaires prennent part au même combat, dont les résultats sont venus s’ensevelir définitivement dans cette montagne de douze cents volumes in-4o classés et étiquetés au Musée britannique sous le titre de Pamphlets du roi. Parmi ces pamphlets, ceux de M. Milton sont les seuls dont on se souvienne.

Pamphlets, pétitions, ballades, vers et prose, la démocratie calviniste emploie tous les moyens. Le 11 décembre, quinze mille personnes signent une pétition, qui, présentée au parlement où siège Olivier Cromwell, réclame la destitution des évêques et l’abolition de tous les surplis, reliques, aumusses et débris des cérémonies papales. Le 23 janvier suivant, sept cents ministres demandent la même chose. Les Écossais sont toujours là, en bons frères, la mèche sur le rouet, la Bible dans la poche, chantant leurs psaumes. Olivier Cromwell assiste avec intérêt et assiduité aux débats relatifs à ces matières. C’est ce que prouve le petit billet authentique et significatif que M. Carlyle a déterré et reproduit. M. Willingham, le correspondant auquel il l’adresse, est évidemment un puritain fort avant dans la confiance des Écossais, et qui la veille, dans les couloirs du parlement, aura montré à Cromwell les raisons écrites dont ils prétendent appuyer leurs demandes d’armes, d’argent et d’uniformité religieuse :


A mon bon ami, M. Willingham, à sa maison dans Swithin’s Lane, cette lettre.

« Londres, février 1640.

« MONSIEUR,

« Je vous prie de m’envoyer les argumens des Écossais pour soutenir leur

  1. « Grammercy, gude Maister Scot… »

    Grammercy est un des nombreux mots français que le dialecte d’Ecosse a empruntés à notre langue.