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religieux, cela devait être. On essaya de maintenir le peu de cérémonies qui ornaient encore le culte, d’entraver les nouveaux ministres de la parole calviniste, de s’opposer à la propagation de cette foi sauvage dans les cantons rustiques. De leur côté, les protestans combattaient ces résistances ; ils s’efforçaient de transporter sur la tête des apôtres puritains une portion des dîmes que s’étaient attribuées les seigneurs. La bourgeoisie et les classes moyennes, toute cette partie de la société à laquelle les Cromwell appartenaient, s’émurent alors. On se cotisa pour donner le pain terrestre à ceux qui répandaient la parole de vie ; on fit des fonds pour payer des missionnaires ambulans (running lecturers), d’autres à poste fixe, qui venaient dans la place du marché, le jour de foire ou après le service, encourager le peuple dans sa fureur contre Rome, et tonner contre les chasubles, les aumusses, les surplis, le rosaire, le signe de la croix, le despotisme du Midi. Olivier Cromwell ne fut pas des derniers à se joindre à cette opposition, et ce qui prouve qu’il représentait exactement l’esprit de son canton, c’est que le lundi 17 mars 1627, au moment même où son nom figurait sur la liste des souscripteurs de l’association puritaine, il fut élu membre du parlement.

Ce gentilhomme campagnard, silencieux et mal vêtu, assista sans mot dire aux séances orageuses des premiers parlemens de ce règne ; il entendit les accusations contre Buckingham, la discussion du bill des droits, et fut témoin de cette scène bizarre pendant laquelle Pym, Cook et le président (speaker) pleurèrent tous trois à chaudes larmes de l’obstination du roi qui défendait son favori. Le rêveur des bords de l’Ouse craignait surtout de voir ses lecturers supplantés par des papistes. Le jour où la chambre s’occupa de ces matières, il prit la parole ; elle s’était formée en comité religieux pour l’examen des abus ecclésiastiques. Cromwell, avec la rudesse de l’accent rustique, dénonça d’un coup quatre papistes, Laud, Mainwaring, Neil et Alablaster. Voici ses paroles :

— « Un docteur Beard (le vieux précepteur de son village) m’apprend, dit-il, que le docteur Alablaster prêche un papisme pur à la Croix de Saint-Paul, et qu’il le fait d’après les recommandations de son évêque, le docteur Neil. Le même évêque vient de donner une riche prébende à ce Mainwaring que la chambre a censuré avec justice. Si ce sont là les degrés par lesquels on arrive aux dignités de l’église, qu’est-ce qui nous attend ? »

— Qu’est-ce qui nous attend ? — Ce sont les premières paroles de Cromwell, que cite Carlyle d’après des notes manuscrites d’un