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ce protectorat même. Pour ces deux dernières époques, les documens inédits et les lettres particulières seront beaucoup plus nombreux que pour celle-ci.

La famille ancienne et saxonne des barons Cromwell, dont le domaine féodal se trouvait à Tattershall dans le Lincolnshire, semble originaire du Crumwell ou Cromwell (le Puits de Crum), petit hameau saxon, situé sur la limite orientale de Nottinghamshire ; c’est une localité peu importante. Sous Édouard II, un baron Cromwell siège au parlement ; depuis le moyen-âge jusqu’au commencement du XVIIe siècle, beaucoup de Cromwell, nobles et roturiers, riches et pauvres, quelques-uns shériffs, d’autres fermiers, tous étrangers au mouvement de la cour et de Londres, sans alliance avec la race normande, se trouvent répandus dans cette région. Notons (ce que Carlyle n’a pas fait) la descendance saxonne et populaire d’Olivier Cromwell.

Henri VIII, courroucé contre le pape, jette la population saxonne, la bourgeoisie et les fermiers d’Angleterre dans le mouvement de révolte qui soulève le nord contre le catholicisme ; ce mauvais homme, qui comprenait son époque et son pays, force les seigneurs de suivre l’impulsion protestante, et les console avec des débris de monastères ; alors un Cromwell surgit dans l’histoire d’une façon assez terrible. C’est le destructeur des monastères, malleus monachorum, le bras droit de Henri VIII dans cette œuvre de destruction et de dommage, Thomas Cromwell, devenu comte d’Essex. Son père, dit-on, avait une forge à Putney, et probablement c’était un des membres de la grande famille des Cromwell, quelque fils cadet venu du Lincolnshire pour trouver à Londres les moyens de vivre. Nul ne se montra plus ardent à l’œuvre que ce Thomas Cromwell, sous la main duquel papistes et monastères tombaient comme les feuilles d’automne. On s’insurgeait dans plusieurs comtés ; Thomas Cromwell se servit, contre les rebelles et les catholiques, de son neveu, sir Richard Cromwell, l’aïeul même du protecteur, et qui aida vigoureusement son oncle. Personne n’avait soupçonné l’existence de ce Richard, neveu de Thomas le premier ministre, avant Carlyle, qui cite deux lettres classées parmi les MSS. Cottoniens[1] ; on y voit clairement se dessiner les relations de l’oncle et du neveu : l’un animé d’une véritable rage contre la papauté et le monachisme ; l’autre galopant à droite et à gauche, allant, de couvent en couvent, à la poursuite de ces pauvres

  1. Cleopatra, t. IV, p. 2046.