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plus de toiles provenant de fils à la main, et un peu moins de toiles provenant de fils à la mécanique : voilà tout. Les premières seront plus estimées du consommateur, mais elles sont plus chères, ce qui laissera toujours l’avantage à nos toiles, dont la presque totalité emploie le fil à la mécanique. Quant aux faveurs accordées par la Belgique à nos vins et à nos soieries, il faut se résigner à les accepter telles quelles. La France a trop présumé de la délicatesse de ses voisins, en n’introduisant pas dans la convention une clause qui interdît l’extension de ces faveurs aux similaires des autres pays ; mais le mal est fait, et on ne peut pas raisonnablement exiger de la Belgique le retrait, le retrait immédiat surtout, des concessions faites aux vins et aux soieries du Zollverein, aujourd’hui qu’un traité les consacre. Nous n’avons pas d’ailleurs intérêt à isoler la Belgique, car c’est dans son isolement même que réside le principal obstacle à son union avec la France. Le jour où la Belgique pourra nous offrir, soit par le transit vers la Hollande et le nord de l’Allemagne, soit par la réexportation de nos produits vers ces pays, une compensation à l’infériorité de son marché vis-à-vis du nôtre, l’union sera chose facile. Le maintien partiel de la surtaxe dont la Belgique a frappé nos tissus de laine, par l’arrêté du 14 juillet 1843, peut seul donner lieu à des contestations sérieuses. Nous pouvons cependant affirmer que cette quasi-prohibition n’a pas fait grand tort à nos fabricans, qui sont en mesure d’offrir les tissus, rendus à Bruxelles, à l’ancien droit de 180 francs par 100 kilogrammes. Les assureurs du Hainaut se contentent, pour l’importation en fraude des mousselines, des mérinos et des stofs français, d’une prime qui varie entre 6 et 11 pour 100. Nous ne nous applaudissons pas de ce fait ; mais nous le consignons pour l’édification des protectionistes belges. Envisagées chacune à part, ces bases sont, donc acceptables ; mais encore une fois elles sont incomplètes, et nos chambres, qui seront appelées, dit-on, à donner un avis préalable sur la nouvelle convention, ne devront pas le perdre de vue. La Belgique nous doit une compensation, et pour le préjudice que nous a causé son arrêté du 28 août 1843, et pour les concessions nouvelles qu’elle réclame au profit de ses tissus de lin. C’est le moment ou jamais, pour la France, de stipuler des garanties en faveur de la seule industrie qui soit restée en dehors de tous les arrangemens commerciaux conclus, depuis quinze ans, entre les deux pays. On le devine, c’est de la librairie que nous parlons.

On a depuis long-temps épuisé tout ce qui restait à dire sur les droits de la propriété littéraire comme sur la moralité de la contrefaçon. Les deux gouvernemens et les deux pays sont d’accord là-dessus. On n’invoque en faveur de cet inique trafic que la difficulté de le détruire ; mais, qu’on le sache bien, cette difficulté n’est pas aussi grande que le prétend le ministère belge et que le croit le ministère français. Les deux partis belges déplorent également, quoiqu’à différens points de vue, le maintien de la contrefaçon : les catholiques, parce que, à la faveur du bon marché, elle inonde les classes populaires de productions dont ils redoutent l’esprit philosophique ; les libé-