Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ni par ces traités, ni par aucune convention spéciale, aucun droit de police sur les navires français ; 2° parce qu’en temps de paix, et hors des cas de piraterie, aucun bâtiment de guerre ou autre, de quelque commission qu’il puisse être muni par son propre gouvernement, ne possède aucun droit d’intervenir en pleine mer, d’une manière quelconque, à l’égard des navires d’une nation étrangère, ni pour le saisir, ni pour le visiter, ni pour l’aborder, ni pour l’obliger à s’arrêter, ni pour l’interrompre en quoi que ce puisse être dans sa navigation, à moins d’y être autorisé par un traité spécial conclu avec la nation à laquelle ce navire appartient. »

Il est curieux de remarquer que, dans cette affaire, le navire le Louis a eu pour défenseur le docteur Lushington, aujourd’hui juge d’amirauté de la Grande-Bretagne et l’un des négociateurs de la convention de 1845. Le docteur Lushington soutint qu’en temps de paix, sur la haute mer, la Grande-Bretagne n’a aucun droit de visiter les navires des autres nations ; il ajouta que, pour justifier le procédé du commandant de la Reine Charlotte, pour montrer qu’il était en droit de contraindre le Louis à se laisser arrêter, aborder et visiter, il fallait prouver qu’un droit de visite quelconque existait naturellement en temps de paix, et il dit :


« Si ce droit existe, il doit être fondé ou sur le droit des gens ou sur un traité spécial. S’il existe en vertu du droit des gens, il faut prouver qu’il se fonde sur un principe qui n’admette aucune contestation ; et où trouvera-t-on ce principe ? Il y a une entière absence de toute autorité dans les écrivains sur le droit public ; on ne peut citer aucun cas où un tel droit ait été exercé de temps immémorial ; l’on ne montre même pas que ce droit ait été invoqué ni par l’Angleterre ni par aucune autre nation. C’est une preuve décisive contre l’existence de ce droit ; si ce droit est fondé sur une convention spéciale, il faut montrer cette convention. »


Cet exemple prouve bien clairement que les principes sur lesquels est fondée la convention de 1845 sont une innovation véritable. Supposez que cette convention eût été en vigueur alors, la solution de l’affaire eût été bien différente. La Reine Charlotte aurait eu le droit d’arrêter le Louis, de l’aborder et de visiter ses papiers ; elle aurait eu le droit de l’y contraindre ; la résistance du Louis aurait été illégitime. L’arrêt de la cour de vice-amirauté de Sierra-Leone eût été indubitablement confirmé. Loin de là, cet arrêt est cassé ; le Louis et sa cargaison sont restitués, et, si sir William Scott ne condamne pas le commandant de la Reine Charlotte à des dommages-intérêts, il déclare que c’est parce