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I.

Pour arriver à démontrer que la convention du 29 mai est une innovation, j’examinerai successivement : 1° les doctrines des différens états sur ce point ; 2° les décisions des tribunaux compétens ; 3° la pratique des nations maritimes.

Voyons quelle a été, relativement au droit qui nous occupe, la doctrine des différentes nations, et spécialement de la France et de l’Angleterre.

Depuis 1815, l’Angleterre a voulu fonder un système de police maritime en temps de paix pour la répression de la traite des nègres. Ce système a donné lieu à des négociations collectives dans les congrès, et à des négociations séparées de puissance à puissance. Tous les états maritimes y ont pris part dans une forme ou dans l’autre ; presque tous ont conclu des conventions spéciales à ce sujet. Il a été clairement entendu en toutes circonstances, et par tous les états, qu’aucune nation ne pouvait exercer, en temps de paix et en pleine mer, aucun droit de police sur les navires des autres nations, à moins d’y être autorisée par un traité qui détermine dans quels cas et dans quelles formes un pareil droit peut être exercé.

Ainsi, il est resté établi en principe que les navires des nations qui n’ont conclu aucun traité de ce genre, qui n’ont délégué volontairement à une autre nation aucune part de leur souveraineté, ont droit à une indépendance absolue, à l’affranchissement complet de toute police exercée en mer par des étrangers.

Avant 1841, personne n’avait prétendu qu’indépendamment du droit de visite conventionnel il existât un droit de visite naturel et général, ayant pour objet la vérification de la nationalité des navires, donnant à tous les bâtimens de guerre le pouvoir d’aborder indistinctement tous les navires marchands, et de visiter les papiers de ces navires, sur le soupçon qu’ils auraient arboré un faux pavillon. Dans les occasions où la France et l’Angleterre ont solennellement reconnu la complète indépendance des pavillons en temps de paix, à l’égard de toute police étrangère, ces puissances n’ont jamais admis, par une exception implicite, le droit de visite pour vérification de la nationalité des navires, de même que l’on exceptait implicitement la police exercée en matière de piraterie.

Dans le mémoire communiqué le 27 octobre 1818 par lord Castlereagh au duc de Richelieu, au congrès d’Aix-la-Chapelle, le plénipotentiaire