Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L'income-tax, ce legs de l’état de guerre à l’état de paix, sans peser trop lourdement sur les contribuables, rendait annuellement au trésor près de 130 millions de francs. La séparation de la banque d’Angleterre en deux départemens distincts avait réussi à ce point que, dans le courant du mois de juin, la circulation des billets ne s’élevant pas au-dessus de 20 millions sterling, la banque avait dans ses coffres une valeur de 16 millions sterling en lingots ou en espèces. Le 3 pour 100 avait atteint et dépassé le pair ; le commerce et l’industrie étaient dans la situation la plus prospère. La suppression du droit de 10 pour 100, qui frappait le coton en laine à l’entrée du royaume, avait donné un nouvel essor au travail dans les comtés manufacturiers. De tous côtés, on voyait s’élever de nouvelles usines. Pour l’année 1844, les exportations de l’Angleterre représentaient la somme énorme de 58,584,292 livres sterling ; le salaire des ouvriers était en voie de hausse, et, comme ils ne payaient pas encore le pain trop cher[1], les classes laborieuses montaient d’un degré dans l’échelle sociale. Les sommes déposées dans les caisses d’épargne figuraient pour un total approximatif de 800 millions de francs, et le nombre des pauvres, dans une contrée où le paupérisme est invétéré et s’attache à la société comme une lèpre indélébile, avait diminué, sous l’influence de cette prospérité générale, de six ou de sept pour cent. Enfin la liste des crimes et des délits, qui marquait depuis dix ans une effrayante progression, avait présenté en 1844 trois mille accusés de moins, pour l’Angleterre seule ; avec l’aisance du peuple s’améliorait encore sa moralité.

Même résultat dans les relations extérieures. Si le cabinet britannique se rendait, quant à sa politique générale, plus solidaire qu’il ne convenait à un gouvernement libre des tendances manifestées par les cours du Nord, en revanche il n’avait rien de capricieux ni de cassant dans ses rapports diplomatiques. Le traité négocié par lord Ashburton, pour la délimitation des frontières.entre le Canada et les États-Unis, avait fait disparaître de ce côté les chances de guerre, et le traité par lequel la Grande-Bretagne modifiait le droit de visite sur les navires français tendait à calmer l’irritation qu’avaient produite, dans l’affaire de Taïti, les déclarations téméraires et déplacées de sir Robert Peel. Une seule éventualité menaçante apparaissait dans le

  1. En juin 1813, le prix moyen du blé en Angleterre était de 45 shillings par quarter, soit environ 20 fr. par hectolitre ; il est aujourd’hui de 65 shillings