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politique aussi hardie qu’elle était grande. Il avait compris que, pour rattacher les Irlandais à l’Angleterre, il fallait s’attaquer à la fois à leur ignorance et à leur pauvreté incurable, leur donner l’instruction et le travail. La première partie de ce plan avait été réalisée par l’acte qui porte à 30,000 livres sterling la dotation du séminaire de Maynooth, ainsi que par un système d’instruction secondaire et académique qui a pour point de départ en matière de croyances religieuses une tolérance absolue ; la seconde partie le sera, quand une loi équitable aura réglé les relations des fermiers avec les propriétaires, et lorsqu’un réseau de chemins de fer, dont les principaux attendent la sanction de la chambre des communes, aura mis en valeur le territoire ainsi que les richesses minérales et les ressources industrielles de l’Irlande.

En proposant de telles réformes, le ministère avait contraint les membres de l’opposition à l’appuyer de leur parole et de leurs votes ; il avait fait violence aux préjugés de ses propres amis ; il avait dompté enfin les répugnances du pays tout entier. Bien que dix mille pétitions portant plus de douze cent mille signatures eussent protesté contre le bill qui relevait d’une trop longue dégradation le séminaire catholique, et que tout membre des communes favorable à ce bill eût eu à subir les injonctions menaçantes de ses commettans, en qui revivait, avec tout son fanatisme, le vieux levain protestant de 1640, le premier ministre tenant bon et imposant par sa fermeté aux deux chambres, la mesure avait obtenu dans les communes 317 voix contre 184, et dans la chambre des lords, en présence des évêques qui sont les piliers de l’église anglicane, 181 voix sur 231 votans. Pour la première fois, un gouvernement conservateur s’était placé en avant de l’opinion, qui cédait malgré elle à l’ascendant d’une raison éclairée se faisant l’organe d’une nécessité publique.

Dans l’ordre des intérêts matériels, les succès, quoique moins disputés, n’avaient pas été moins éclatans. Lord Stanley et sir J. Graham faisaient peut-être regretter l’habileté administrative des whigs ; mais, en revanche, les finances de l’état se trouvaient placées dans une condition beaucoup plus satisfaisante. Sir Robert Peel avait proposé et obtenu du parlement une série de mesures dont l’expérience n’avait pas tardé à confirmer le mérite, et qui avaient eu pour effet de rétablir l’équilibre entre les recettes et le dépenses, de mettre le crédit et la circulation monétaire à l’abri des crises, enfin d’affranchir en grande partie des entraves du fisc les relations commerciales du pays.