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gouverné les possessions portugaises dans l’Inde, je n’ai jamais entretenu de correspondance sur aucun sujet politique avec le raja de Sattara, et tous les documens qui ont été produits à l’appui de cette assertion sont faux[1]. » On prétend que le lieutenant-colonel Ovans n’a voulu voir, dans la parole du fidalgo portugais, autre chose que le témoignage douteux d’un complice, et cependant il veut qu’on le croie sur sa propre parole, lui, qu’on accuse d’avoir trompé son gouvernement dans mainte occasion, et cela, non pour sauver un innocent, mais pour faire tomber de son trône un pauvre raja !

De tels débats ne se poursuivent point sans que les partis se livrent des combats acharnés ; la lutte est ouverte entre ceux qui veulent jeter un voile sur le passé et ceux qui croient plus sage, plus juste, plus généreux, de la part d’un grand peuple, de rechercher la vérité en dehors de toute autre considération. En 1841, devant la cour des propriétaires réunis à l’East-India-House, M. George Thompson prononça un discours plein de mouvemens oratoire et d’allusions historiques, qui mirent la cause à sa véritable hauteur ; il fit voir qu’il y a solidarité complète entre le gouvernement de l’Inde et celui de Londres. Il terminait son speech en demandant à la cour d’émettre l’opinion que « l’ex-raja de Sattara était innocent des accusations portées contre lui… et qu’en conséquence, d’après les principes de la loi anglaise, fondée sur l’immuable justice, et les droits inaliénables de tout sujet britannique, prince ou paysan, il était digne d’être réintégré dans tous ses droits et réhabilité pour tous les torts qu’on avait eus envers lui[2]. » Une année après, à la demande de neuf propriétaires, cette motion fut formulée : « La cour est-elle d’avis que le raja de Sattara a été privé de ses propriétés et exilé sans avoir été entendu, et que de pareils actes sont aussi répugnans aux principes de la justice que nuisibles aux intérêts anglais dans l’Inde ? » Sous prétexte que la cour avait résolu de ne plus se mêler d’une affaire trop souvent évoquée, la majorité refusa de prendre cette demande en considération. Là-dessus une discussion s’éleva, et, d’accord avec M. Thompson, qui s’est fait l’avocat officieux et désintéressé de Pertaub-Sing, M. Norris, honorablement connu à Bombay, où il a rempli de hautes fonctions, revint à la charge, discuta tous les points de cette procédure illégale, et troubla dans leur somnolence les adversaires de sa motion[3]. Le parti des mécontens se grossissait peu à peu, et le temps, sur qui on comptait pour endormir l’affaire, déjouait les prévisions de tous ceux qui disaient : Justice est faite !

Cette même année, le raja adressa à la reine une pétition signée, non de son sceau, mais de sa main[4]. Cette humble adresse d’un prince fier par

  1. Statement of the case of the dethroned raja of Sattara, etc, W.-N. Nicholson, 1845.
  2. Speech delivered in the court of proprietors as the East-India-House, july 15, 1841, by George Thompson, esq.
  3. Case of the raja of Sattara, speech of the late Charles Norris, esq., 1842.
  4. The deposed raja o f Sattara. Statement of his case by his Highness, 1842.