Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/1140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

continuer les négociations au-delà du terme assigné par cette convention elle-même à l’occupation commune prouve que les Américains, malgré leur infatuation, n’entendent pas renoncer aux chances de paix et d’arrangement qui existent encore entre les deux cabinets. Nous persistons donc à croire à une solution pacifique du différend spécial relatif à l’Orégon, ou plutôt nous pensons que cette question pourra bien se traîner des années, comme celle des frontières du Maine, sans solution définitive ; mais vienne une nouvelle crise présidentielle, vienne une nécessité d’amorcer encore les passions démocratiques et la vanité nationale, portée dans l’ouest à un degré d’exaltation qui touche à la folie, et l’on pourra tout craindre pour la paix du monde

Pour résumer notre opinion sur les complications anglo-américaines, nous dirons que nous appréhendons beaucoup moins les difficultés internationales elles-mêmes que les engagemens pris sur ces difficultés par les aspirans au pouvoir. La prochaine élection du président sera le moment décisif dans la destinée de l’Amérique.

Les évènemens du Mexique se lient chaque jour d’une manière plus étroite d’une part à la politique de l’Union, de l’autre à celle de l’Angleterre. Paredes a détrôné sans coup férir le faible président Herrera et invité le pays à nommer une convention nationale qui règle pour l’avenir la forme du gouvernement, et tranche les questions pendantes de la politique extérieure. Une chose est à remarquer dans cette révolution, ce sont les motifs que Paredes a fait valoir pour appuyer son nouveau pronunciamiento, motifs tout-à-fait contraires à ceux qu’il alléguait il y a un an, lorsqu’il renversait le dictateur Santa-Anna. Les divisions provinciales marchaient alors sur Mexico au cri de : Plus de guerre contre les Texiens ! et Santa-Anna reprochait, en tombant, à ceux qui lui ravissaient le pouvoir, de vouloir la honte et le démembrement de la république. Aujourd’hui l’opinion de Paredes a changé. Ce n’est plus l’abolition des taxes de guerre qui écrasaient le Mexique, ce n’est plus la paix avec les États-Unis, qu’il demande ; il accuse Herrera de faire précisément ce que le pays exigeait en 1844, c’est-à-dire de traiter avec l’Union de la cession des droits de Mexico sur le Texas. Comment Paredes et la nation ont-ils pu changer si promptement de pensée ? comment sont-ils revenus au système qu’ils désapprouvaient à la fin de 1844 ? La révolution elle-même va nous répondre. Des lettres arrivées de Vera-Cruz annoncent que la flotte a proclamé la déchéance d’Herrera en arborant le pavillon anglais et le pavillon espagnol. Sans donner ce fait comme certain, cette rumeur seule suffit pour constater quelle opinion on entretient au Mexique sur la révolution nouvelle. Que la politique espagnole ait joué un rôle important dans ce bouleversement, c’est ce qui est douteux : l’Espagne a autre chose à faire qu’à s’occuper de remettre de l’ordre dans son ancienne colonie. Ce qui est plus facile à admettre, c’est l’influence que l’Angleterre a exercée à Mexico. Depuis long-temps, le Times nous avertissait qu’il se tramait à Londres quelque chose de nouveau relativement au Mexique. Quelques mots