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soin, c’est la coïncidence de ces mouvemens avec ceux qui ont eu lieu dans la petite Russie et jusque dans les principautés moldo-valaques. Ainsi c’est le 22 février, le jour même où les Autrichiens étaient chassés de Cracovie, que la jeunesse moldave insurgée à Iassy, et appuyée par des matelots grecs venus des ports de la mer Noire, essayait de proclamer un gouvernement national, unique pour toutes les populations roumanes. Les mouvemens correspondans qui ont éclaté dans l’intérieur de la Russie sont encore peu connus ; on sait seulement qu’à Vilna la garnison a tiré à mitraille sur le peuple, ce qui ferait supposer que les Lithuaniens ont répondu à l’appel de leurs frères du midi. La Prusse, dans ses feuilles officielles, se vantait, il y a quelques jours, d’avoir accueilli à sa frontière quatre mille soldats polonais des provinces russes, qui avaient été battus et dispersés, et que différens corps de Kosaques poursuivaient. « Ce sont, disaient ces feuilles, de beaux jeunes gens, vêtus d’un costume pittoresque ; » et elles ajoutaient que les Allemands ont pu acheter, pour douze thalers chacun, les plus beaux chevaux de race polonaise. Ces forfanteries, dont s’indignent les vrais Allemands, prouvent au moins une chose, c’est que la Pologne russe s’est levée comme la Pologne autrichienne.

Il est remarquable que la bourgeoisie et le peuple des villes, plus éclairé que celui des campagnes, ont secondé partout la noblesse dans la capitale même de la Gallicie, qui compte trente mille marchands juifs, ceux-ci se sont déclarés pour l’insurrection comme les chrétiens ; mais il y avait partout de fortes garnisons, et, le concours des paysans sur lequel on avait le plus compté ayant fait défaut, le peuple se vit partout repoussé. Ce fut alors que les arrestations commencèrent ; elles furent innombrables. Quand la majorité de la noblesse patriote des villes eut été arrêtée, la police se tourna vers les, campagnes. Dans le duché de Posen, où les lumières sont plus généralement répandues, l’idée ne vint pas aux paysans de s’armer contre leurs nobles, et d’ailleurs rien ne prouve que la police prussienne, pour triompher, ait tenté de recourir à cet odieux moyen. En Gallicie au contraire, comme le constate la Gazette d’état de Prusse, les employés ameutèrent partout les pauvres serfs. Pour mériter les primes qui leur étaient promises, ces malheureux égarés massacraient ou garrottaient les gentilshommes, et, jetant morts et blessés pêle-mêle dans des chariots, ils les conduisaient à la ville du district, au capitaine du cercle, chargé de récompenser ces fidèles sujets.

Sur un seul point, dans la république de Cracovie, où tous les employés sont Polonais, les Autrichiens durent renoncer à l’exécution