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lisant qu’on peut sentir ce que dit quelque part Pline le jeune dans une belle parole : « Quanta potestas, quanta dignitas, quanta majestas, quantum denique nmnen sit historiœ[1]… » Le caractère élevé, auguste et, pour ainsi dire, sacré de l’histoire est gravé dans tout ce qu’il écrit. Malgré les difficultés, que nous connaissons trop bien, de juger du fond en des matières si complexes et d’oser apprécier la forme en des hommes si honorés de nous, cette fois nous nous sentons presque à l’aise vraiment ; nous avons affaire à une destinée droite et simple qui, en se développant de plus en plus et en élargissant ses voies, n’a cessé d’offrir la fidélité et la constance dans la vocation, la fixité dans le but ; il est peu d’exemples d’une pareille unité en notre temps, et d’une rectitude si féconde.

M. Mignet est né à Aix en Provence, le 8 mai 1796. Élevé d’abord au collége de sa ville natale, il y terminait sa quatrième, lorsque passèrent des inspecteurs ; le résultat de leur examen fut de faire nommer le jeune élève demi-boursier au lycée d’Avignon où il alla achever ses études. Revenu à Aix en 1815 pour y suivre les cours de droit, il rencontra, dès le premier jour, sur les bancs de l’école, M. Thiers arrivant de Marseille, et ils se lièrent dès-lors de cette amitié étroite, inaltérable, que rien depuis n’a traversée. Reçus tous deux au barreau en la même année (1818), ils débutent ensemble, ils font pendant un an et demi environ leur métier d’avocat, vers la fin un peu mollement, car déjà des études plus chères les détournaient. M. Thiers, indépendamment de son Éloge de Vauvenargues, dont nous avons raconté les vicissitudes piquantes et le succès[2], remportait à Aix un autre prix sur l’Éloquence judiciaire, et M. Mignet était couronné à Nîmes pour l’Éloge de Charles VII ; mais son vrai début allait le porter sur un théâtre plus apparent. L’Académie des inscriptions avait proposé d’examiner quel était, à l’avènement de saint Louis, l’état du gouvernement et de la législation en France, et de montrer, à la fin du même règne, ce qu’il y avait d’effets obtenus et de changemens opérés par les institutions de ce prince. Le jeune avocat d’Aix apprit tard le sujet de ce concours ; il ne put s’y mettre que peu avant le terme expiré, et ce fut de janvier à mars 1821, en trois mois à peine, qu’il écrivit l’excellent travail par où il marqua son entrée dans la carrière. Cet ouvrage qui, avec celui de M. Arthur Beugnot, partagea le prix de l’Académie, et qui parut l’année suivante (1822) dans une forme plus

  1. Lettre 27 du livre IX.
  2. Dans cette Revue des Deux Mondes, livraison du 15 janvier 1845, page 210.