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On y remarque d’étranges anomalies et des disparates choquantes. Sous quelque point de vue qu’on le considère, il porte, s’il est permis de le dire, tout d’un côté, ce qui est le signe évident d’une situation contrainte. A l’exportation, il n’a guère pour objet que les produits fabriqués, à l’importation, les matières brutes ; et, quoiqu’on puisse dire qu’un pays avancé en civilisation et chargé d’une population nombreuse doive, selon l’ordre naturel des choses, échanger souvent les produits de ses manufactures contre les produits naturels des autres, il s’en faut bien que l’état actuel de la France justifie des différences si fortes. Si l’on considère nos relations extérieures par rapport aux pays avec lesquels elles sont ouvertes, on trouve qu’elles se partagent encore d’une manière fort inégale, et que de vastes contrées, intéressantes à bien des titres, en sont presque entièrement exclues. A tous égards, ce commerce parait donc sorti de ses véritables voies, et, de quelque côté qu’on l’envisage, on y trouve l’empreinte du régime restrictif et violent auquel il est assujetti.

Le fait le plus saillant du reste, c’est la décadence de notre marine marchande, fait grave, puisqu’il intéresse tout à la fois la prospérité du commerce et la puissance de l’état. Il y a long-temps que ce mal a été signalé, et qu’il tient les esprits comme en éveil ; mais on se refuse à reconnaître et surtout à accepter le vrai remède.

Pour replacer notre commerce extérieur dans ses véritables voies, et le porter à ce degré de splendeur auquel la France a le droit de prétendre, pour relever en même temps notre marine marchande de son abaissement, il n’y a, selon nous, qu’un seul moyen efficace, c’est le retour à un régime plus libéral. Nous essaierons bientôt de le montrer. Tous les temps, nous le savons, ne sont pas également favorables au triomphe des vrais principes, et peut-être que, dans la situation actuelle des esprits en France, le principe de la liberté absolue du commerce, malgré sa puissance et sa fécondité réelle, aurait peu de chances de prévaloir ; mais nous croyons qu’il ne serait pas difficile, même dans les circonstances présentes, de soumettre à une réforme profonde et salutaire le régime établi.


CHARLES COQUELIN.