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eux-mêmes. Monté sur le faîte, le dictateur, comme le héros de Corneille, aspira vite à descendre, et après un mois d’exercice il abdiqua sa dignité ; car il avait reconnu sans doute que ce n’est point chose facile, même au plus habile, que de gouverner des savans. Napoléon alors eut recours à un moyen terme : il se réserva le droit, soit d’approuver les élections faites par le conservatoire, soit de choisir parmi trois candidats qui lui seraient présentés. La restauration laissa long-temps les choses dans le même état, en se préoccupant toutefois, lorsqu’il s’agissait de choix nouveaux, de l’opinion des candidats plutôt que de leur science. En 1828, M. de Martignac, dans des vues d’économie, réduisit de moitié le nombre des conservateurs. Cette mesure, qui allégeait le budget de la Bibliothèque d’une somme de 24,000 francs, fut approuvée par les personnes qui, à tort ou à raison, classent les conservateurs parmi les sinécuristes. Après la révolution de juillet, l’ordonnance du 1er novembre 1832 rétablit les quatre places supprimées ; le conservatoire garda la faculté de se recruter par voie d’élection ; sauf l’approbation ministérielle ; de plus, la même ordonnance institua un directeur pris parmi les administrateurs de la Bibliothèque, présenté par eux, et nommé pour cinq ans par le ministre, et elle donna place dans le conservatoire aux conservateurs-adjoints créés par l’ordonnance de 1828. Ce n’était là qu’un vain formalisme bureaucratique, une réorganisation insuffisante, et le rapport administratif qui l’avait provoquée, tout en cherchant à en faire ressortir les avantages, en signalait encore les inconvéniens, comme on le voit par cette phrase significative : « Si c’est le propre des administrations collectives d’écarter en général de toute participation à leurs affaires des hommes supérieurs dont la nomination est presque un coup d’état, et que l’autorité seule pourrait leur imposer, il y a du moins certitude avec elles qu’elles ne feront jamais de ces choix honteux que la faveur personnelle et une lâche considération du moment dictent quelquefois aux gouvernemens. » Nous ne chercherons pas si depuis 1832 le conservatoire a fait participer à ses affaires des hommes supérieurs, mais on peut à coup sûr lui reprocher de n’avoir point cherché des hommes spéciaux.

La réorganisation du personnel devait, on le croyait du moins en 1832, amener dans un temps très rapproché de notables améliorations, et répondre à tous les besoins. Le public attendit avec confiance. On espéra des catalogues, les catalogues furent ajournés. On espéra qu’en demandant des livres on pourrait les obtenir : les années s’écoulèrent ; le public attendit toujours et se plaignit de nouveau. L’administration de la Bibliothèque alors s’excusa sur l’insuffisance de ses ressources, et réclama des crédits supplémentaires les crédits furent votés, On arriva ainsi en 1839, et, à cette date, M. le ministre de l’instruction publique jugea fort sagement que, malgré tout ce qu’on avait fait, il restait encore bien des choses à faire. Enfin, le 22 février 1839, parut une ordonnance qui réorganisait la Bibliothèque sur des hases nouvelles. Excellente dans l’intention, quoique très incomplète dans le détail, cette ordonnance remédiait cependant à de nombreux abus. Au conservatoire,