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Et pour accroître encor l’effet de cette scène,
Un crucifix d’ivoire, ouvrage merveilleux,
Dont la lune argentait la sombre croix d’ébène,
Penchait le long du mur son front silencieux,
Vers qui montait toujours, de l’orgue éteint à peine,
Comme un dernier soupir d’encens mélodieux.

Non, jamais à mes yeux plus étrange spectacle
Ne s’offrit ; — je croyais d’un coin du paradis
Entrevoir le tableau ; fantaisie ou miracle,
Songe, que sais-je, moi ? mes sens étaient ravis,
Et les brises du ciel, qui du frais tabernacle
S’exhalaient, de bien-être inondaient mes esprits…



Huit mois s’étaient passés depuis cette aventure,
Lorsqu’aux Italiens, traversant un couloir,
Je m’entends tout à coup appeler l’autre soir :
Je m’arrête, et de Franz j’aperçois la figure.
— « Vous ici, mon cher maître ? enchanté de vous voir !
Et c’est pour notre hiver un excellent augure.

« A quand le Salomon ? car je ne pense pas
Que vous nous visitiez en oisif dilettante ;
Les lauriers parisiens vous ont tenté là-bas,
Fort bien ! Si le succès répond à mon attente,
Nous allons écraser de manière éclatante
Ce Giuseppe Verdi dont on fait trop de cas.

« Quant aux autres, vraiment, vous n’aurez pas grand’peine ;
Rossini nous déplaît, Mozart n’a plus d’écho,
Et Bellini déjà nous paraît rococo !
La Grisi, savez-vous ? sera bien dans la reine ;
Et comment Ronconi dira la grande scène,
Vous vous l’imaginez en voyant Nabucco.

— « Vous avez en effet une troupe divine,
Et, si monsieur Vatel donne mon opéra,
Je prétends renforcer de quelque cavatine
Le rôle du vizir, qu’à Mario je destine…