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jeunes filles ; seulement, au privilège la recherche de la paternité ajouterait la charge. Dans l’état présent, ils trompent et ils abandonnent ; c’est tout profit. La seule objection grave qu’on élève contre la recherche de la paternité, c’est la difficulté matérielle, souvent même l’impossibilité absolue, de remonter à la preuve du délit. Aussi cette mesure est-elle extrêmement délicate. Avant la révolution de 89, la recherche de la paternité était admise en France. Elle s’est maintenue en Angleterre jusqu’à ces derniers temps. Une fille était-elle devenue mère, elle nommait le père de son enfant ; son serment était considéré comme une preuve, et suffisait pour faire condamner le séducteur à épouser la fille ou à payer la pension de son enfant jusqu’à la douzième année : un refus était puni d’un long emprisonnement. L’exercice de ce droit donna naissance à des fraudes considérables. Aujourd’hui, depuis 1834, ce sont les paroisses et non les filles qui mettent le père en cause pour en obtenir la pension destinée à l’entretien de l’enfant. La déclaration et le serment de la mère ne sont plus considérés comme des preuves suffisantes. Un tel usage s’introduirait-il heureusement dans les mœurs françaises ? Des hommes graves, qui appartiennent à l’administration, ne seraient pas éloignés d’admettre la recherche de la paternité, non toutefois pour imposer le mariage, en tout état de cause, comme peine de la séduction (au moyen-âge, il fallait choisir entre épouser la femme ou la potence), mais pour encourager les unions légitimes, qui sont la plus forte garantie contre l’abandon des nouveau-nés. C’est ici que les sociétés maternelles interviendraient encore avec succès ; leur influence toute de persuasion et de douceur enlèverait à la recherche de la paternité ce qu’une telle enquête a toujours d’odieux et de blessant entre les mains de la justice.

Les armes de la prévoyance pourront sembler insuffisantes en présence des causes si nombreuses qui invitent les mères au délaissement. Pas une de ces causes, la misère, la honte, la séduction, n’échapperait cependant tout-à-fait aux moyens que nous venons d’indiquer. Le temps ferait le reste. Si les enfans trouvés n’avaient pas disparu entièrement sous l’action de ces moyens pratiqués avec une persévérance intelligente, leur nombre aurait du moins beaucoup diminué. Il serait temps alors de porter la main sur les hospices. Nous arrivons, on le voit, au même but que l’administration se propose d’atteindre par la fermeture des tours ; seulement nous y arrivons après avoir tari la source des expositions d’enfans. Cette voie nous semble la seule raisonnable, la seule possible. Si la solution