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le médecin dans des cas difficiles où leur ministère ne suffit pas. Une telle assurance aveugle a compromis maintes fois les jours de la mère ou ceux de l’enfant. Il serait ensuite utile de les écarter des grandes villes pour les refouler dans les petites localités. Dans les hameaux, tout le monde se connaît ; il est difficile de s’y livrer à un commerce clandestin et criminel. Celles, qui, ayant offert des garanties de moralité, demeureraient dans les grandes villes, à Paris surtout, devraient être pourvues d’une autorisation spéciale pour tenir une maison d’accouchement. Il importe qu’une surveillance plane sur ces établissemens douteux, de manière à dévoiler les abus qui s’y cachent, sans enlever à de telles maisons l’obscurité qui convient aux mystères de la pudeur vaincue et confuse de sa défaite. Nous savons que des commissaires de police se sont plus d’une fois transportés, à Paris et dans les provinces, au domicile des sages-femmes, pour savoir le nom de leurs pensionnaires et pour vérifier la nécessité où ces dernières se trouvaient d’abandonner leur enfant. De telles visites ont presque toujours eu des résultats fâcheux. La main de la police est trop brutale pour toucher à ces voiles délicats ; s’il faut en croire des témoignages très graves, la décence n’aurait même pas toujours présidé à ces inspections. Nous voudrions que ces fonctions de surveillance fussent confiées, dans chaque arrondissement, à un ou deux médecins, dont le caractère serait estimé, et qui réuniraient aux lumières de la science une connaissance pratique du cœur humain. Quel tact moral ne faudrait-il pas pour distinguer, en toute occasion, le vice de la faiblesse abusée, pour marquer la limite entre une faute souvent généreuse et l’acte qui commence à être crime ou délit, enfin pour ne requérir l’intervention de la justice que dans les cas extrêmes, où tous les moyens de douceur et de persuasion auraient été essayés sans succès ! C’est, du reste, moins contre les mères que contre les fauteurs et les complices de l’exposition qu’il sera besoin de sévir.

Il y a une autre influence sur laquelle nous comptons pour combattre les manœuvres des sages-femmes. Déjà dans quelques villes existent des sociétés de charité maternelle, dont l’action bienfaisante, jusqu’ici fort bornée, pourrait concourir puissamment à conserver les enfans dans les familles. Il s’agirait d’organiser ces sociétés sur une échelle plus étendue. Nous voudrions qu’elles envoyassent au chevet du lit de chaque fille en travail un ange consolateur. La femme assistant la femme, la devinant, prévenant dans son cœur des idées de désespoir, d’abandon ou de suicide, quel spectacle ! C’est dans le monde, au milieu de la richesse et des plaisirs, qu’on recruterait des