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l’action de l’autorité rencontrera plus d’obstacles dans les grandes villes ; mais le cœur des mères est le même partout, et en s’adressant à cette tendresse quelquefois obscurcie, rarement éteinte, en dégageant les bons sentimens de la femme des entraves du besoin, on obtiendra partout des succès consolans. Il faut seulement suivre la marche prudente et ferme que M. Curel s’est tracée. Avant de briser l’institution ancienne, il faut en rendre l’usage inutile. Supprimer les tours, c’est le but, ce n’est pas le moyen. Isolée, la fermeture des tours serait une tentative téméraire, rétrograde, homicide. Le système des secours à domicile est au contraire une mesure sage, utile et morale, qui peut seule fermer le gouffre ouvert dans nos campagnes, et surtout dans nos grandes villes, par l’habitude funeste du délaissement. En attendant ce résultat qu’on entrevoit dans l’avenir, une administration éclairée, qui s’appuiera sur tous les sentimens de la nature, rétrécira de jour en jour la voie des expositions, sans recourir à la contrainte. Le tour n’aura plus besoin alors d’être aboli ; il tombera tôt ou tard de lui-même, quand une fois il sera vide. Ce que M. Curel a tenté avait été essayé ailleurs et n’avait pas réussi ; c’est que la difficulté n’est pas tant dans la nature du secours que dans la manière de le distribuer. L’aumône ne porte son fruit que quand elle est accompagnée d’exhortations et de surveillance. Quoique les moyens de douceur soient de beaucoup préférables dans un tel service, il faut savoir quelquefois s’armer d’une sévérité bienveillante, car il y a des consciences indécises qui ont besoin de se sentir sous le regard de l’autorité pour redresser leurs voies tortueuses. L’accord des pouvoirs et de certaines influences morales est encore nécessaire, comme l’observe M. Cure], pour assurer le succès de cette œuvre délicate. Il ne faut surtout pas négliger dans les campagnes l’assistance du clergé ; le curé peut beaucoup sur l’esprit de ses jeunes brebis égarées, et il ne refusera sans doute pas son concours à l’administration dans une œuvre toute dictée par l’esprit évangélique.

Le secours à domicile combattra la misère, qui est une des causes dominantes d’abandon, mais il n’éloignera pas les mauvais conseils. Toute réforme administrative qui n’aura pas pour auxiliaire une réforme dans l’institution des sages-femmes sera frappée d’impuissance. Là, nous l’avons dit, est la racine du mal. Il conviendrait d’abord de restreindre le nombre des élèves-femmes qui se destinent à la pratique des accouchemens, en posant à l’entrée de cette profession des examens sérieux. A l’heure qu’il est, les sages-femmes ne savent rien cette ignorance les rend téméraires ; elles négligent trop souvent d’appeler