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par leurs parens, et n’ont pas été trouvés inscrits sur les registres. Ces enfans avaient été vendus par les sages-femmes dans des familles où se machinait une odieuse supercherie. Il fallait simuler une grossesse, un accouchement, pour que le mari, en l’absence d’héritiers directs, ne léguât pas ses biens à des collatéraux, et les sages-femmes avaient prêté avec empressement à ces tristes manœuvres un concours intéressé.

L’infanticide et l’avortement relèvent en grande partie des mêmes causes auxquelles nous avons dû attribuer la multiplicité des expositions. L’administration a dans ces derniers temps dirigé de nombreuses recherches statistiques sur les crimes envers les naissances, mais elle n’est pas remontée à la source. L’influence des sages-femmes se montre là plus active qu’ailleurs et plus funeste. C’est par leur intervention, souvent même par leur conseil, que se commettent presque toutes ces énormités dont la trace fugitive échappe trop souvent aux lumières de la justice. L’idée de l’infanticide ou de l’autre crime, plus lâche encore, est presque toujours, chez la jeune fille séduite, le résultat d’un sentiment d’honneur exagéré ou d’une légèreté déplorable. Si au malaise de son état, qui obscurcit toutes ses facultés morales, s’ajoute le concours de circonstances impérieuses ; si surtout une personne de son sexe, lui évitant l’embarras d’un aveu pénible, prête à ces circonstances l’entremise et le ministère de la science médicale, c’en est fait du fruit de la grossesse : on essaiera de porter en commun des mains criminelles sur l’ouvrage de Dieu.

Les causes des expositions et des crimes envers les naissances sont maintenant connues. C’est sur ces causes qu’il faut agir, si l’on, tient à restreindre sérieusement le nombre des enfans trouvés. Laissez la femme à ses inspirations ; écartez les besoins matériels dont le poids entraîne et subjugue trop souvent sa volonté ; éloignez d’elle surtout les démarches perfides, les industries intéressées à sa faiblesse, et nous croyons que le sentiment maternel, dégagé alors des circonstances qui l’excitent à faillir, combattra lui-même le fléau bien mieux que ne peuvent le faire les actes administratifs. Là, mais là seulement est le remède au mal. Faute de s’être attaqué aux causes des expositions, faute surtout d’être venu au secours de la nature pour lui restituer toute son action et tous ses droits, on n’a guère tenté jusqu’ici que des réformes impuissantes, téméraires, prématurées. L’administration supérieure a fait de grands pas en France depuis quelques années sur le terrain de la question des enfans trouvés ; mais, il faut bien le dire, et nous espérons le démontrer, ce sont des pas hors de la voie.