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le mal dans sa racine. Rechercher ces causes, qui ne sont pas encore toutes dévoilées, examiner la valeur des mesures que l’administration a essayées contre l’accroissement des enfans trouvés, présenter un projet de réforme qui prenne, de plus haut les besoins de la mère et qui réunisse autour d’elle les élémens d’une nouvelle charité, tel sera aujourd’hui l’objet de nos études.

Il faut d’abord bien établir qu’en général les mères n’abandonnent point leurs enfans sans y être contraintes. Le sentiment de la maternité est tellement dans la nature de la femme, qu’il commence chez elle presque avec l’existence. Jeune fille, elle nourrit ce sentiment confus ; chaque enfant qu’elle rencontre communique une vivacité nouvelle aux vœux que, sans le savoir peut-être, elle forme déjà au fond de son cœur. Plus tard le mariage vient donner un but à ces vagues aspirations. On la voit alors partager tout son être avec le nouveau-né qu’elle porte sur son sein, lui donner son ame dans chaque sourire, et se dévouer par amour pour lui aux plus rudes fatigues. Ses idées, ses soins, ses regards, n’ont plus alors qu’un objet : être mère, c’est toute la femme. Quand mille exemples de cette tendresse aveugle, infinie, inépuisable, existent tous les jours sous nos yeux, quand chacun de nous en a senti les douces et pénétrantes atteintes, comment croire après cela qu’une femme renonce volontairement aux devoirs de mère ? Non ; nous sommes obligés d’admettre que, dans presque tous les cas, sa résolution a été forcée par des causes supérieures à l’attrait de la nature. Telle est la règle générale contre laquelle ne sauraient prévaloir quelques tristes exceptions.

Ces exceptions, devons-nous en tenir compte ? Sans doute, dans un travail complet sur les causes de l’exposition, il faut réserver une place à la plus déplorable de ces causes, à cet endurcissement du cœur qui est un vice de la nature contre lequel la société ne peut rien ; mais nous ne voulons nous occuper ici que des causes contre lesquelles il est des remèdes efficaces. Notre but n’est pas de satisfaire une curiosité stérile, nous cherchons à réunir les élémens d’une réforme pratique. L’absence de l’amour maternel est d’ailleurs, dans la plupart des cas, moins une cause qu’un effet. Ce n’est pas toujours la nature qu’il faut accuser, c’est le désordre, la misère, souvent aussi le hasard de la naissance. Ce qu’on pourrait nommer la race des enfans trouvés se conserve, se reproduit par elle-même. D’après les statistiques officielles, 129,629 enfans délaissés donneraient à leur tour un chiffre