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chargèrent Yaotl, son ennemi mortel, de l’observer continuellement et de leur rendre compte de toutes ses actions. Yappan résista pendant long-temps à plusieurs beautés que l’on envoya pour le tenter, de sorte que les dieux commencèrent à louer sa vertu et à railler Tlazolteotl, déesse de l’amour, de ce que Yappan ne lui était pas soumis comme les autres hommes. Celle-ci, piquée de leurs plaisanteries, finit par s’écrier : Croyez-vous donc, dieux puissans, que Yappan persévérera jusqu’au bout pour mériter la récompense que vous accordez aux hommes vertueux ? Je descendrai moi-même sur la terre pour vous montrer combien la vertu des hommes est fragile et s’ils peuvent me résister.

« La déesse s’approcha de la demeure de Yappan ; mais, comme elle le trouva assis sur l’autel de la pénitence, elle ne tarda pas à s’apercevoir qu’elle serait sans pouvoir sur lui tant qu’il n’aurait pas quitté cette retraite. Elle lui dit donc d’une voix douce : Ami Yappan, viens à moi ; je suis la déesse Tlazolteotl qui t’apporte la récompense de ta vertu. Trompé par ces paroles, le pauvre Yappan se hâta de courir au-devant d’elle ; mais à peine s’était-il éloigné de l’autel, qu’un feu nouveau circula dans ses veines, et il tomba dans le piège qui lui était tendu.

« Yaotl, qui n’avait cessé de l’observer de loin, fut si indigné de cette conduite, qu’il ne put s’empêcher de courir vers lui en s’écriant : Misérable ! n’as-tu pas honte de tromper les dieux et de profaner ainsi leur sanctuaire ? En disant ces mots, il lui abattit la tête d’un coup d’épée. Yappan tomba par terre en ouvrant les bras, et les dieux le changèrent en un scorpion couleur de cendre qui a toujours les bras ouverts. Yaolt, dont la vengeance n’était pas encore satisfaite, alla chercher Tlahuitzin, femme de celui qu’il venait d’assassiner, et lui dit, en lui montrant le corps de son époux : Vois, Tlahuitzin, la manière dont j’ai châtié celui qui a osé offenser les dieux ; mais ma vengeance ne serait pas complète, si tu ne partageais pas son sort. À ces mots, il fit rouler sa tête à côté de celle du malheureux Yappan. Tlahuitzin fut aussitôt changée en scorpion couleur de feu, et, en cherchant à se cacher sous les pierres de l’autel, elle y rencontra son époux.

« Les Mexicains prétendent que tous les scorpions descendent de ce malheureux couple, et que, par honte du péché de Yappan, ils n’osent se montrer au grand jour et se cachent sous des pierres. Quant à Yaolt, il n’échappa pas à la punition que méritait son double crime, et fut métamorphosé en sauterelle. » (Extrait d’un ouvrage intitulé : Idea de una nueva historia de la America septentrional, par Boturini.)

On retrouve dans les croyances du Mexique certains traits généraux communs à tous les cultes de l’ancien continent, d’où résulte entre toutes les religions une harmonie dont on ne peut se rendre compte qu’en leur supposant à toutes un berceau commun. Ainsi les Mexicains croyaient au déluge ; leur Noé, appelé Coxcox, s’était sauvé dans un navire. Ils avaient une légende qui rappelait la tour de Babel ; l’histoire