Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/995

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne s’acquittait pas ; l’inexorable percepteur le faisait vendre comme débiteur du trésor. Modérés à l’origine, les impôts, sous les derniers empereurs, étaient devenus très onéreux ; parce que les princes s’étaient créé, par leur faste, d’artificielles nécessités, et que, pour maintenir l’obéissance des provinces conquises, ils étaient forcés d’entretenir des armées nombreuses.

Comme dans les états qui se sentent en croissance et ont l’humeur conquérante, l’armée était de la part du souverain l’objet d’une vive sollicitude. Ainsi, sous le dernier Montezuma[1], l’empire aztèque fut doté d’une institution pareille à celle qui compte parmi les plus beaux titres de Louis XIV, il eut un Hôtel des Invalides.

Dans le même intérêt de leur agrandissement, les empereurs aztèques pratiquaient des usages qui semblent ne jamais accompagner qu’une civilisation raffinée et déjà corrompue. On voit en effet, dans le récit de la conquête, que Montezuma avait à sa solde quelques-uns des conseillers intimes des souverains ses alliés ; c’est ainsi qu’il parvint à tendre un piège à Cacamatzin, qui occupait le trône de Tezcuco, et à le faire tomber entre les mains de Cortez.

La forme du gouvernement était celle d’une monarchie absolue, non cependant sans quelques tempéramens. Il y avait de grands vassaux, fort puissans, que le prince avait à ménager. Il les retenait auprès de sa personne une partie de l’année, dans sa capitale, où ils menaient une existence fastueuse, entourés de leurs gens ; c’étaient les chefs des pays conquis, dont l’assimilation n’était pas parfaite, à beaucoup près, faute d’avoir encore reçu la sanction du temps. Pourtant les monarques aztèques étaient parvenus, par l’adresse et par la terreur, à accréditer la fidélité à leur personne comme une sorte de dogme, qui, lors de la conquête, fut observé à peu près en raison de la durée de l’incorporation des provinces et de leur proximité de Mexico. Le prince concentrait en lui la puissance législative ; mais il est à croire que chacun des grands caciques la conservait dans ses domaines, entre certaines limites.

En second lieu, les populations avaient une forte garantie contre l’absolutisme dans l’inamovibilité des juges de l’ordre le plus relevé. Enfin, de quelque respect qu’on entourât la personne du prince, il ne paraît pas que les sujets y vécussent dans l’asservissement au point d’être avilis ; c’était une soumission qui n’excluait même pas la dignité, et on a lieu de croire que, chez le Mexicain, le sentiment du devoir

  1. Il y a eu de ce nom deux souverains. Le premier avait été fort renommé.