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Lors de la révolution de septembre, les napistes, ainsi que je l’ai expliqué déjà, s’étaient divisés en deux fractions que certains journaux grecs distinguent par les noms de napistes disciplinés et napistes turbulens, que j’appellerai, pour éviter tout mot blessant, les napistes modérés et les napistes extrêmes. Quand M. Metaxas quitta le ministère, il y a un an, les deux fractions se réunirent, et elles étaient encore en bonne intelligence au début de la session. Elles tendent aujourd’hui à se séparer de nouveau, ainsi qu’on peut en juger par les attaques de certaines feuilles napistes contre le cabinet. En même temps, et par les mêmes motifs, un mouvement analogue s’opère parmi les autochtones, la majorité restant unie au ministère, la minorité arborant une bannière à part. Enfin le parti des chefs palicares paraît s’être définitivement rallié à son ancien drapeau, et la nomination du général Grivas comme inspecteur-général de l’armée est un signe éclatant de réconciliation. M. Coletti à la tête de son ancien parti reconstitué, M. Metaxas à la tête des napistes modérés, voilà donc la majorité qui apparaît en ce moment, majorité moins nombreuse peut-être qu’à l’ouverture de la session, mais qui, débarrassée de ses queues, pourra sans doute marcher avec plus de prudence et de mesure. Si ce résultat désirable se confirme, MM. Coletti et Metaxas auront en définitive accompli ensemble une œuvre aussi honorable qu’utile. Il leur restera ensuite à élargir autant que possible le terrain sur lequel ils se placent, et à prouver que le gouvernement représentatif n’est point en Grèce un moyen d’oppression qui passe de main en main.

Ce tableau serait incomplet si je ne parlais de la presse après la chambre ; mais ici la confusion est telle qu’à peine puis-je m’y reconnaître. A Athènes seulement, il n’existe pas, en ce moment, moins de quatorze à quinze journaux politiques, qui, paraissant une, deux ou trois fois tous les dix jours, se font entre eux une guerre acharnée. Or, ces journaux sont presque impossibles à classer, d’abord parce qu’ils représentent des nuances infinies, ensuite parce que quelques-uns d’entre eux changent souvent et vite d’opinion. Ainsi, au mois d’octobre, je vous citais le Courrier d’Orient comme une feuille modérée et favorable au ministère. L’opposition anglaise s’est depuis emparée du Courrier d’Orient, qui, avec la Réforme, l’Ami du Peuple et la Persévérance, attaque aujourd’hui systématiquement le ministère actuel, et défend tout aussi systématiquement le ministère tombé. D’un autre côté, le Moniteur grec, l’Observateur, l’Indépendant, le Zéphyr, le Socrate, représentent à divers degrés les fractions modérées