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le tiennent aujourd’hui. Non, il ne faut pas repousser l’esprit de transaction. Il ne faut pas considérer la chambre comme divisée en deux camps, où flottent deux drapeaux ennemis dont les couleurs ne doivent jamais se confondre. Il ne faut pas dire : Ici tout est vérité, là tout est mensonge ; ici tout est juste, là tout est contraire à l’équité et au bon sens. Un pareil langage ne serait ni vrai ni politique. Il ne faut pas laisser supposer que le dévouement à la constitution, à la monarchie de juillet, aux grands principes du gouvernement des quinze années, soit l’apanage exclusif d’une partie de la chambre. Ce serait affaiblir la cause qu’on veut soutenir, et ce serait calomnier l’opposition. L’esprit révolutionnaire ne forme qu’une très petite minorité dans le parlement. Le ministère le sait mieux que personne, puisqu’il trouve aujourd’hui l’appoint de sa majorité dans les partis extrêmes. Au temps où nous vivons, il ne faut pas proscrire les opinions intermédiaires. Il ne faut pas vouloir que le fanatisme, la passion, la haine, remplacent de part et d’autre la modération et la justice. Quand on est le ministre d’un gouvernement constitutionnel, œuvre du temps et des révolutions ; quand on se prétend l’organe du parti conservateur, on ne se déclare pas l’ennemi des transactions politiques, car le gouvernement constitutionnel et le parti conservateur admettent naturellement ces transactions, pourvu qu’elles soient honorables et dignes. Nous en avons eu plus d’un exemple depuis 1830, sans compter l’amnistie, que M. Guizot a combattue. Enfin, quand on veut la dignité du pouvoir, on ne doit pas préférer aux transactions politiques les transactions individuelles, car les premières se font au grand jour et honorent le gouvernement qui a le bon esprit de les faire à propos, tandis que les secondes se passent dans le secret et discréditent le pouvoir, en faisant suspecter les moyens qu’il emploie pour subjuguer les consciences.

Du reste, il est bon de le faire remarquer, cette profession de foi sur les transactions politiques était, de la part de M. Guizot, un hors-d’œuvre dans la discussion des fonds secrets. Personne, en effet, ne parle en ce moment de transactions. De quoi s’agit-il entre l’opposition et le ministère ? S’agit-il d’une question de principes, d’un changement à faire dans la constitution ou dans la politique fondamentale des quinze années ? Non ; il s’agit seulement d’une question de conduite. Au dehors, le ministère a été imprévoyant et faible ; il a mis la France dans une fausse situation vis-à-vis de l’Angleterre. Au dedans, il manque de décision et compromet le pouvoir. Ainsi que le déclare l’honorable M. Hervé dans la lettre qu’il vient d’écrire à ses électeurs, le ministère, depuis quatre ans, n’a montré dans sa politique intérieure aucun esprit de suite et d’unité ; il n’a eu que des velléités stériles ; il a subi l’influence au lieu de la donner. Il n’a eu qu’une volonté, celle de garder le pouvoir. Voilà les reproches adressés au cabinet par une minorité de 205 voix, compacte et résolue. Que veut cette minorité ? Substituer la fermeté et la prudence à l’indécision et à la faiblesse, voilà tout ; et, pour faciliter la tâche d’une administration nouvelle, l’opposition modérée lui offre