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ardent à proclamer ses principes, empressé à convertir, et qui veut faire de sa victoire non-seulement un trophée pour son pays, mais un argument pour sa doctrine.


Abd-el-Kader avait vu détruire pièce à pièce cette nationalité arabe qu’il avait édifiée par tant de travaux et d’habileté. Après le combat de l’Oued-Malah, le 11 octobre 1843, où il avait perdu les restes de son infanterie et son premier lieutenant Sidi-Embareck, il se retira sur la frontière de l’empire de Maroc ; il y reçut une généreuse hospitalité, sinon de l’empereur, du moins des populations qui le vénèrent comme un grand homme, comme un saint, et surtout parce qu’il a fait la guerre dix ans aux chrétiens. Se maintenant près du territoire algérien, il y entretenait des relations très actives, au moyen desquelles il parvint à faire émigrer plusieurs fractions des tribus de la frontière, qui, réunies, pouvaient lui fournir un millier de cavaliers. Il parvint aussi à recomposer une petite troupe régulière, infanterie et cavalerie, avec les émigrans et quelques-uns de ses anciens soldats dispersés, qui venaient le rejoindre.

Dans ce même temps, il envoya une ambassade à Fez, pour implorer des secours de son chef spirituel, l’empereur Mouley-Ahd-el-Rahman. Si cette ambassade n’eut pas un succès déclaré, elle obtint du moins une grande tolérance pour les manœuvres de l’émir contre notre frontière. Il trouvait chez les Marocains des ressources pour porter de temps à autre chez nous une guerre de surprises, et dès qu’il se voyait un peu compromis, il rentrait dans son asile, qui était inviolable jusqu’au moment où la guerre entre la Maroc et nous serait déclarée.

Les secours donnés à Abd-el-Kader, la liberté qui lui était laissée de nous attaquer, étaient de véritables actes d’hostilité envers la France. Des représentations, énergiques et répétées furent faites par notre diplomatie à Tanger.

Précédemment le général Bedeau, commandant à Tlemcen, ayant voulu visiter notre, frontière dans l’hiver de 1843, avait été attaqué par quelques cavaliers du kaïd d’Ouchda, et par un certain nombre de cavaliers des tribus. Sans riposter, il n’opposa à ces fanatiques qu’aune attitude calme et ferme qui les arrêta. A la suite de cette échauffourée, il adressa des remontrances très vives au kaïd d’Ouchda. Celui-ci affirma que les coups de fusil tirés l’avaient été contre sa volonté et celle de l’empereur ; il promit que cela ne se renouvellerait plus- Depuis, Abd-el-Kader vint deux fois attaquer les environs de Tlemcen,