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par d’aussi beaux symboles les autres griefs du parti libéral, son livre eût été un manifeste bien plus décisif. Qu’on lui sache gré pourtant de l’heureux instinct qui l’a poussé, car, parmi tant de demandes si légitimes, s’il y en a une qui soit pressante, urgente, et ne souffre point de retard, c’est bien celle qui a été chantée par lui.

Que les constitutions promises au moment du péril, après Iéna., avant Leipzig, aient été refusées obstinément pendant plus de trente années, que le contrat passé en 1813 ait été anéanti, oui, sans doute, c’est une violation de la foi jurée et le sujet des réclamations les plus saintes ; mais il y a un mal plus grand peut-être : c’est ce contraste effrayant, cette contradiction incompréhensible entre les lumières d’un peuple et les désordres qu’il accepte. Il n’y a pas de pays au monde où la science du droit soit plus forte, plus florissante qu’en Allemagne. Science inutile ! science menteuse ! dans ce même pays, auprès de ces universités où professent des jurisconsultes si profonds, vous trouverez des tribunaux dépendans, une justice asservie au pouvoir, des lois qui donnent pour juge à l’accusé celui-là même qui l’accuse. En vérité, je ne puis comprendre que l’attention des publicistes sérieux ne se tourne pas de ce côté. Ce ne sont pas ici de vagues plaintes, des déclamations vides de sens ; voilà des faits, des exigences nettes et clairement définies ; les choses parlent toutes seules, elles appellent, elles crient. Pourquoi donc, parmi tant de tribuns, s’en trouve-t-il si peu qui veuillent porter, le débat sur ces questions sacrées ? Des avocats se sont réunis dans plusieurs villes d’Allemagne pour délibérer sur ce sujet ; un journal a été fondé à Leipzig dans l’intérêt de la publicité des tribunaux, et afin d’arracher au mystère des procédures tout ce qu’il est possible de lui soustraire sous l’empire des lois actuelles. Ce sont là des tentatives vraiment libérales, mais ce n’est point assez ; ces efforts isolés ne seront rien, tant que les voix les plus hautes et les plus autorisées garderont le silence. Pourquoi les universités n’osent-elles pas, au nom de la science dont elles ont le dépôt, demander au pouvoir l’application de ces principes qu’elles enseignent ? Ne serait-il pas temps que les notions du juste et de l’injuste sortissent de l’ombre des écoles ? Quoi ! il existe un pays où le même homme est à la fois accusateur et juge ! il existe un pays où la justice est dépendante, où le pouvoir est en réalité le seul.juge véritable, où tous les arrêts, avant d’être publiés, doivent être envoyés au ministre de la justice qui peut les admettre ou les casser, comme bon lui semble ! il existe un pays où la défense n’est pas libre, je me trompe, où elle n’existe pas, où l’on peut s’en passer, où ce