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M. Kalergi, si je suis bien informé, vivait, avant la révolution, dans l’intimité la plus étroite avec le ministre de Russie, qui, désavoué et destitué par l’empereur, a dû se défendre de toute participation au complot. Chacun comprend qu’en lui venant en aide, M. Kalergi, dans tous les cas, accomplirait un devoir d’honneur.

M. le général Rhodius, ministre de la guerre avec M. Maurocordato, m’a fait aussi l’honneur de m’écrire dans des termes dont je le remercie, pour repousser, au nom du ministère dont il faisait partie, l’accusation d’avoir agi, dans la lutte électorale, par la violence et par la corruption. D’après M. le général Rhodius, des milliers de décorations ont en effet été données à cette époque, non pas en blanc comme on le prétend, mais sur des listes signées par des représentans de tous les partis, en exécution d’un décret de l’assemblée précédente. Une fois ces listes remises au ministre, il n’avait plus, toujours en exécution du décret, qu’à délivrer aveuglément les brevets demandés. On jugera à Athènes, mieux qu’à Paris, si cette explication est satisfaisante. Tout ce que je puis dire, c’est que pendant mon séjour en Grèce, l’emploi abusif des décorations, comme moyen électoral, était un fait généralement reconnu.

Quant au plaidoyer de famille que M. Zographos a fait imprimer et distribuer à Paris, après en avoir fait hommage au roi Othon, je crois avoir répondu suffisamment à tout ce qu’il contient de sérieux. Le reste n’a pas assez d’importance pour que j’en fatigue vos lecteurs.

La vive polémique dont mon écrit a été l’objet à Athènes, et les nombreuses réclamations qui me sont parvenues, rendaient, je crois, ces explications nécessaires. Je viens maintenant à ce qui a plus d’intérêt, à l’examen des faits nouveaux, et de la situation qui en résulte.

C’est le 18 août que le ministère Coletti-Metaxas s’est formé. C’est le 13 septembre que les chambres se sont rassemblées. Les dernières nouvelles sont du 6 décembre, et la vérification des pouvoirs n’était pas achevée. Dans un pays où tout est à faire, quatre-vingts jours ont donc été employés à ballotter des noms propres, à décider qui sera ou ne sera pas député ! Le temps ainsi perdu pour les affaires a-t-il été du moins gagné d’un autre côté ? s’est-il formé dans les chambres une majorité et une minorité régulières ? y a-t-il un gouvernement ferme et solidement établi ? Rien de tout cela. Frappée, décimée par la vérification des pouvoirs plus encore que par les élections, la minorité maurocordatiste s’irrite, s’agite, et paraît prête à suivre les conseils les plus désespérés. Abandonnée aux dissentimens qui la travaillent, aux passions qui la tourmentent, la majorité, toujours unie quand il s’agit d’écraser la