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aveugle de l’Espagne, avaient retardé de quatre années l’accomplissement de la promesse faite par le roi lors de son avènement à la couronne. Ces retards étaient une arme formidable, et si la sainte-union n’a pas triomphé avant l’acte solennel du 25 juillet 1593, il faut bien en inférer qu’il y avait en elle un germe de ruine et d’impuissance. Quel était-il ?

La ligue réussit à empêcher Henri IV de régner tant qu’il ne fut pas catholique, mais elle échoua complètement dans ses efforts pour constituer une autre royauté. La première partie de cette tâche était fort simple, c’était l’application du vœu presque unanime de la nation et de la loi fondamentale du royaume ; la deuxième présupposait un accord de vues qui manqua complètement à la grande conjuration espagnole et lorraine.

Si le prince auprès duquel tous les autres princes paraissaient peuple[1], si le fier Balafré avait vécu durant ces jours de crise, nul doute qu’en s’appuyant sur les intérêts du tiers-état, il n’eût été en mesure de tenter avec un succès presque certain un mouvement analogue à celui qu’avait consommé le chef de la troisième race à l’aide des hautes influences féodales. Une telle révolution aurait ouvert devant la France le cours de destinées nouvelles et très différentes, car elle aurait rendu Louis XIV impossible, et probablement l’assemblée constituante inutile en inaugurant deux siècles plus tôt l’avènement de la bourgeoisie à la tête des affaires publiques. Mais le duc de Guise était mort, et la prévoyance de Henri III avait anéanti jusqu’à ses restes pour que le peuple ne les vénérât pas comme des reliques. Son jeune fils était captif au château de Tours. Dans la maison même de Lorraine, on inclinait d’ailleurs à faire valoir les droits du marquis de Pont, petit-fils d’Henri II par sa mère. Enfin, le duc de Mayenne, chef effectif du gouvernement et de l’armée, s’étonnait, non sans motif, que dans sa propre famille on pût songer pour le trône à une autre candidature que la sienne ; aussi, dans l’impossibilité d’y monter, n’aspira-t-il guère, pendant toute la durée de sa lieutenance-générale, qu’à faire proroger les pouvoirs dont il se trouvait investi, en laissant sans solution une situation qui le rendait nécessaire.

L’élection du cardinal de Bourbon fut inspirée par ces prétentions sans audace et ces ambitions expectantes. Si cet acte d’indécision et d’imprévoyance fut bientôt rendu vain par la mort de ce roi quasi-légitime, il ne créa pas moins en faveur de la maison de Bourbon un titre

  1. Mot attribué à la duchesse de Retz.