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qui correspondait aux sentimens de la portion modérée du parti catholique.

Ceux d’entre les membres du parlement de Paris qui avaient suivi à Tours Henri de Valois ne consentaient à engager à son successeur qu’une fidélité conditionnelle[1]. Chacun se montrait exigeant et hautain en face de ce pouvoir qu’un souffle semblait devoir renverser. Chacun faisait ses réserves, quelquefois sous l’inspiration de sa conscience, le plus souvent dans l’intérêt de son ambition. Si les nobles compagnons de la vie laborieuse du Béarnais, si quelques officiers royalistes, groupés autour de Biron, dominés par le calme imperturbable et la sérénité confiante du monarque, s’écriaient, en pressant les mains du vainqueur de Coutras : Sire, vous êtes le roi des braves, et ne serez, abandonné que des poltrons, on voyait la plupart des gentilshommes catholiques, au rapport d’un témoin oculaire de ces grandes scènes, « renfoncer leur chapeau en présence du roi lui-même, fermer les poings, comploter, se toucher la main, faire des vœux et promesses dont on disait pour refrain : Plutôt mourir que d’avoir un roi huguenot[2]. »

Conquérir un royaume, dont les huit dixièmes étaient catholiques, avec une armée composée pour les deux tiers de protestans, telle était la tâche imposée à Henri IV. Lorsqu’on voit commencer sous de tels auspices l’un des plus beaux règnes de notre histoire, on demeure confondu en comparant la faiblesse des moyens à la grandeur des résultats. C’est dans les écrits de l’homme qui contempla de si près les perplexités de son maître qu’il faut voir se dérouler la suite de ces difficultés,

  1. On sait que, de son côté, dans la déclaration enregistrée au parlement séant à Tours sitôt après son avènement, Henri IV promettait solennellement « de maintenir la religion catholique, apostolique et romaine dans le royaume, de ne conférer les bénéfices et dignités ecclésiastiques qu’à des catholiques, d’exécuter les offres qu’il avait faites plusieurs fois de s’en rapporter sur l’article de la religion à un concile général ou national qui serait assemblé, s’il était possible, dans six mois ; qu’il n’y aurait plus dans le royaume d’exercice public d’aucune autre religion que de la catholique, excepté dans les endroits dont les huguenots étaient en possession ; qu’on ne mettrait que des commandans catholiques dans les villes et châteaux qui seraient pris sur l’ennemi ; que les charges et dignités ne seraient conférées qu’à des catholiques, sauf les restrictions insérées dans le traité du mois d’avril précédent, passé entre lui et le feu roi ; qu’il procurerait par toute sorte de moyens le châtiment de ceux qui auraient eut part au détestable parricide commis contre la personne de ce prince, et qu’enfin il permettrait qu’on députât au pape pour l’informer des raisons que les principaux seigneurs avaient eues de reconnaître sa majesté pour leur souverain. »
  2. D’Aubigné, t. III, liv. II.