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par conséquent contre le peuple grec, identifié, comme chacun sait, avec la légation britannique. Selon les autres, j’ai été déplorablement abusé par un Machiavel inconnu qui m’a fait croire toutes sortes de calomnies contre la Russie et contre ceux qui ont l’habitude de chercher en elle un appui. Or, mettre en doute les bonnes intentions de la Russie et du parti russe en Grèce, n’est-ce pas évidemment travailler à la destruction de la religion, de la constitution, de l’indépendance nationale. Il parait même, si j’en crois les journaux et les correspondances, que, sans m’en douter, j’ai failli devenir la cause ou l’occasion d’une crise ministérielle. Le Moniteur grec, qui passe pour l’organe du président du conseil, ayant approuvé mon écrit, quelques napistes s’en sont irrités, et ont péremptoirement signifié à M. Metaxas qu’il ne pouvait laisser impunément insulter ses amis. Habile à profiter du moment, la légation anglaise a aussitôt proposé aux napistes mécontens une nouvelle coalition, et les napistes mécontens n’ont pas repoussé la proposition. On ne sait ce que cela serait devenu, si au moment de la crise la coalition n’eût appris que 60 voix au moins dans la chambre étaient déterminées à ne pas se séparer de M. Coletti. Cette découverte, un peu inattendue, a refroidi bien des ardeurs, et tout a provisoirement repris son cours sans autre inconvénient que de jeter une ou deux feuilles napistes dans l’opposition.

Il est, vous le savez, des pays où l’idée de contribuer à la chute d’un ministère n’aurait rien qui m’effrayât, mais c’est ailleurs qu’en Grèce, et je voudrais ne pas provoquer un nouvel orage au sein de la majorité. Je ne puis pourtant me dispenser de répondre brièvement au double reproche qui m’est adressé. Est-il vrai, d’abord, comme on l’a prétendu à Athènes, comme on l’affirme encore à Londres, que mon écrit ne soit autre chose qu’un long factum contre l’Angleterre ? Ceux qui tiennent ce langage ne se sont sans doute pas donné la peine de me lire. Je n’ai certes nulle disposition à me ranger sous le drapeau déjà usé, déjà déchiré de l’entente cordiale ; mais je ne suis pas assez insensé pour croire que nulle part et dans aucune circonstance, la France et l’Angleterre ne puissent s’entendre honorablement et utilement pour toutes les deux. Or, dans l’écrit même dont il s’agit, j’ai dit qu’au mois d’avril dernier, l’union de la France et de l’Angleterre en Grèce me paraissait convenable et salutaire. J’ai dit qu’un ministère Coletti-Maurocordato était, à mon sens, le meilleur qu’on pût former à cette époque, et que je regrettais qu’il eût échoué. J’ai dit que, cette combinaison écartée, et le chef du parti anglais ayant pris seul les rênes du gouvernement, le ministre de France avait bien