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de son côté, regardant la Perse comme une barrière nécessaire à la sécurité de ses possessions dans l’Inde contre les attaques de toute autre puissance européenne, a fait alliance avec le shah, mais dans cette vue seulement et avec cet objet que la Perse fût bien réellement son amie, qu’elle restât indépendante de tout contrôle étranger et vécût en paix avec ses voisins. Les intérêts de la Russie et de l’Angleterre dans ce pays se trouvent donc être non point simplement compatibles, mais presque identiques, et c’est parce que les deux gouvernemens ont reconnu cette identité qu’ils étaient convenus de traiter ensemble les affaires relatives à la Perse, et d’essayer d’y suivre d’accord une marche commune. »


Singulière illusion que le seul rapprochement des deux diplomaties avait suffi pour démontrer ! singulier mensonge imposé sous des prétextes factices par les nécessités cachées de la politique européenne ! C’était l’Angleterre qui faisait en Orient toute la force de la Russie par cette alliance maladroite qu’elle préconisait encore après en avoir subi tous les inconvéniens. Lord Palmerston continuait ainsi de ce ton pacificateur que nous sommes en vérité assez surpris de lui voir, et dont il aurait bien dû garder quelque chose avec nous :


« L’opportunité d’un tel concert entre la Grande-Bretagne et la Russie a été souvent démontrée par le gouvernement russe, reconnue par le gouvernement anglais… Pendant quelque temps, ils ont suivi la même ligne (the same similarity) dans leur politique respective vis-à-vis de la Perse, et leur double influence a semblé dirigée vers un même but, employée constamment à raffermir la tranquillité intérieure et la paix extérieure de la Perse… Mais, tandis que la Russie professait un désir marqué d’agir en bon accord avec l’Angleterre au sujet de la Perse, ses envoyés se trouvaient engagés dans des mesures soigneusement dissimulées, conçues dans un esprit hostile au gouvernement britannique et tout-à-fait opposées à nos intérêts.


Suivait la longue énumération de toutes les perfidies moscovites, la présence et l’activité militaire du comte Simonich au siège d’Hérat, le traité conclu sous sa garantie entre la Perse et le Kandahar, dans lequel la Russie promettait ses secours contre l’Angleterre elle-même. C’étaient des faits, des faits irrécusables, et cependant on tâchait encore d’éluder la conséquence directe à laquelle ils aboutissaient ; on ne voulait pas croire à cette hostilité du gouvernement de Saint-Pétersbourg, dont on avait en main des preuves si décisives ; on en revenait à lui demander encore, comme en 1837, s’il fallait le juger par ses actes ou par ses intentions ; on espérait toujours dans ces intentions si mal traduites.