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infatigable activité de la diplomatie moscovite, qu’on préférait tout détruire à l’avance sur son passage. Nous verrons bien où conduisit ce nouveau système, nous le jugerons par ses fruits.

Quoi qu’il en soit, la dépêche écrite le 27 juillet 1838 à l’adresse du gouvernement persan tenait donc sa place dans un ensemble de mesures qui touchaient et s’appliquaient ailleurs. Il s’agit maintenant d’arriver à ces mesures suprêmes auxquelles lord Palmerston se fiait pour arracher la Russie de l’Orient ; il faut en chercher les causes sur le théâtre où se produisaient alors les évènemens qui les motivèrent.


III

Depuis quatre ans que le cabinet de Londres veillait ainsi lui-même d’une façon assez malheureuse aux affaires de la Perse, le gouvernement indien avait été très occupé dans les royaumes de Kaboul et de Lahore ; il s’était effrayé de ces pas si rapides, qui rapprochaient tout d’un coup les Russes de l’Indus, et, troublé par ce fatal assentiment que l’Angleterre donnait elle-même à leur marche, déconcerté par cette alliance imprévue qui les implantait à Téhéran comme ses amis, il avait cherché de nouvelles forces pour se défendre contre eux. L’année même où l’accord des deux grandes puissances, au sujet de la Perse, se trouvait professé par lord Palmerston, le gouvernement de l’Inde, regardant comme rompue cette barrière qui l’avait si long-temps protégé, travaillait à s’en élever d’autres, et, voulant remplacer l’appui qui venait de lui manquer, déclarait officiellement l’union qu’il avait contractée depuis 1828 avec le roi de Lahore[1].

Ainsi, tandis que le cabinet de Londres admettait qu’il y eût un concert permanent, des vues uniformes, des communications sans réserve entre ses agens et ceux de Saint-Pétersbourg, le gouvernement de l’Inde ne songeait qu’à parer aux effets inévitables de cette funeste combinaison, et regardait comme un mortel danger pour Calcutta cette grande amitié qu’on prétendait faire passer pour un expédient si merveilleux à Téhéran. Or, quelle que fût l’indépendance primitive de la compagnie, ses directeurs avaient petit à petit perdu la meilleure partie de leurs attributions souveraines, et, notamment depuis

  1. C’était le secrétaire-général de la compagnie qui, dans un livre publié à Calcutta en 1834, établirait très nettement que l’alliance de Lahore était le seul remède aux succès obtenus par la Russie dans la guerre de 1827 et consacrés par le traité de Turkmantschaï.