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n’avait jamais été : il ne se contentait plus de signaler l’influence russe comme une embûche éternelle sur le chemin de la Perse, comme une séduction funeste dont la Perse seule avait à se méfier pour son compte et dans son intérêt ; il proclamait tout haut que les suggestions de la Russie étaient décidément contraires à la paix et à la fortune de l’Angleterre.

C’était un grand effort, un effort inutile après les extrémités auxquelles on en était réduit du côté de la Perse, un effort sans but et sans résultat, s’il ne portait point ailleurs qu’où l’on semblait le diriger. Voici la lettre de lord Palmerston :


« Monsieur, vous aurez à représenter au shah de Perse que l’esprit et l’intention du traité qui unit son empire à la Grande-Bretagne, c’est de faire de la Perse une barrière défensive pour la sûreté des possessions anglaises dans l’Inde, c’est de procurer à l’Angleterre la coopération du gouvernement persan pour la défense de l’Orient. Or, il semble au contraire que le shah ne soit occupé qu’à détruire les états qui, séparant la Perse de l’Inde, peuvent nous servir de barrières accessoires, et dans cette entreprise il s’est ouvertement allié avec une autre puissance européenne pour exécuter des projets qui, s’ils ne sont point absolument hostiles, ne sont certainement pas ceux d’un gouvernement ami. Les choses en étant là, comme le shah n’a pas reculé devant des procédés tout-à-fait contraires à l’esprit du traité ci-dessus mentionné, l’Angleterre se sent complètement libre de renoncer désormais à cette même convention, et d’adopter toutes les mesures que pourront lui suggérer l’intérêt et la sécurité de ses possessions. »


Lord Palmerston n’avait pas su garder l’alliance de la Perse au temps où il n’était besoin que de modération et de fermeté ; maintenant qu’il l’avait perdue, il en venait à la violence et aux menaces. C’est que le gouvernement anglais, sortant de cette indécision où l’avait si long-temps arrêté la crainte de la Russie, prenait enfin un parti extrême, non pas contre la Russie, qu’il ménageait toujours, non pas même contre la Perse, qui restait bravement son ennemie sous la protection du czar, mais contre l’Orient tout entier, qu’on voulait alors frapper de terreur et soumettre à l’impression de la puissance britannique après lui avoir, pendant quatre ans, donné le spectacle de sa faiblesse. On voulait se relever de l’abaissement où l’on était tombé en acceptant l’alliance russe par quelques grands exploits qu’on allait faire au nom de l’Angleterre toute seule. On s’était amèrement repenti de la mollesse avec laquelle on avait combattu les progrès du czar en Perse ; on voulait les arrêter dans l’Afghanistan comme par un coup de foudre, et l’on avait si peur de se laisser gagner de vitesse par cette