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du corps d’invasion. Il pouvait enfin menacer et agir en liberté. Il n’était plus temps.

Avant que mon message fût arrivé jusqu’au shah, un traité avait été conclu entre le prince de Kandahar et sa majesté persane ; le ministre russe avait formellement garanti’ l’accomplissement des engagemens contractés par les deux parties. Un traité du même genre était en voie d’achèvement avec le Kaboul, et le capitaine Vicovitch, après avoir vu le shah dans son camp, était reparti pour Kaboul et Kandahar, muni de grosses sommes destinées à terminer les arrangemens qu’il avait si heureusement commencés, à établir la domination persane et la suprématie russe sur tous les états afghans. Le pays entier qui va des frontières russes de l’Araxe aux bords de l’Indus avait été insensiblement travaillé et soulevé par des agens moscovites, les uns ouvertement accrédités, les autres envoyés sans mission publique, tous occupés à former une grande ligue qui non-seulement contrariât les vues et le s intérêts de l’Angleterre, mais encore troublât et menaçât son empire en Orient. »


Voilà donc jusqu’où s’avançaient maintenant les intrigues des Russes, et nous les suivrons bientôt dans cette seconde route qu’on leur avait faite par le Kaboul jusqu’aux limites de l’Hindoustan. Le camp d’Hérat, que l’Angleterre avait inutilement voulu dissoudre, servait ainsi de rendez-vous à tous ceux qui conspiraient contre elle soit sur l’Indus, soit sur l’Euphrate, et c’était de là que partaient les trames qui, grace à sa fausse politique, allaient ainsi l’amener à jeter elle-même le désordre et la guerre dans toute la Haute-Asie. La Russie se montrait partout à la fois, partout hostile et tracassière, partout armée des mêmes artifices et employant les mêmes hommes. Vicovitch à Kaboul joue le même rôle que Simonich à Téhéran, pesant sur les princes indigènes de tout le poids de la constance moscovite et de l’inconséquence ou de l’inertie des Anglais. Nous trouverons là tout à l’heure de nouvelles scènes diplomatiques, contemporaines des premières, qu’elles expliquent, et dont elles préparent le dénouement.

C’est en vue de ce dénouement, c’est en songeant à tous ces grands évènemens qui vont éclater en Asie plutôt peut-être qu’aux faits accomplis en Perse, c’est en voulant parer à d’autres embarras, à de nouveaux périls, que lord Palmerston écrit sa dernière lettre à M. M’Neill, le 27 juillet 1838. Il renonçait enfin au système de réserve et de temporisation qu’il avait jusque-là pratiqué vis-à-vis de la Perse ; il découvrait dans le traité de 1814 non plus une raison d’immobilité, comme à l’époque de ses dépêches de juin 1836, mais un droit d’intervention, comme le voulait M. M’Neill en janvier 1838. Il allait plus loin qu’il