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le moment où paraissaient sous son nom les protestations les plus ardentes contre les empiètemens de l’ambition moscovite en Orient, les accusations les plus formelles contre l’indécision du cabinet de Londres, qui, faisant toute sa faiblesse, faisait toute la force de ses ennemis. A l’en croire, il suffisait que le ministère anglais déclarât nettement son opposition pour que cette opposition déconcertât les menées des Russes : ceux-ci ne pourraient jamais parvenir à soumettre la Turquie et la Perse sans le concours même de l’Angleterre ; mais une fois assurés de ce concours, ils étaient les maîtres de l’une comme de l’autre, et, maîtres de l’Orient, ils le devenaient aussitôt de l’Europe ; on ne saurait plus arrêter leur marche qu’en leur retirant l’imbécile appui qui la facilitait ; le seul espoir de salut pour l’Angleterre, le devoir le plus étroit de son gouvernement, c’était de rompre avec la Russie[1].

Étaient-ce donc là maintenant les conclusions auxquelles lord Palmerston aboutissait lui-même, et sa politique avait-elle pris subitement toute cette hardiesse ? Si ce n’était M. M’Neil, était-ce lui qui changeait ? Encore bien moins. Il jouait simplement alors ce jeu trop ordinaire aux gouvernemens responsables, qui, voulant à la fois contenter et l’opinion publique et leurs propres penchans, acceptent les agens qu’elle leur désigne, sauf à les employer contre les vœux qu’elle forme. Il nommait un ambassadeur actif jusqu’à l’inquiétude, résolu jusqu’à la témérité ; il lui donnait une mission d’impuissance et d’inertie. Voici quelles étaient les instructions de M. M’Neill, les mêmes que celles de M. Ellis ; après toute une année d’alarmes, lord Palmerston ne trouvait rien de plus à dire en sortant de son silence.


2 juin 1836.

« Votre devoir sera de décourager en toute occasion les projets ambitieux qui pourraient entraîner le shah, et de lui bien représenter tout l’avantage qu’il y aura pour la Perse à maintenir des relations amicales avec les états de son voisinage.

« Quant aux relations du gouvernement persan et de l’Afghanistan, il sera nécessaire de vous rappeler constamment l’article du traité de 1814, qui porte sur ce sujet aussi Long-temps que le traité lui-même règle les rapports de l’Angleterre et de la Perse ; mais, comme le gouvernement de sa majesté verrait avec regret toute attaque faite par la Perse contre l’Afghanistan,

  1. Progress of Russia in the East. – England and Russia. — Sultan Mahmoud and Mehemet-Ali-Pacha. – Quaterly Review, n° 105. — British and Foreign Review, nos 1, 2, 3.