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moi, que le gouvernement russe offrît au shah un corps de troupes ou n’importe quelle autre assistance pour l’aider dans l’expédition projetée contre Hérat.

« Le comte me dit d’abord que nos cabinets respectifs seraient beaucoup plus à même que nous de traiter la question, il finit par déclarer formellement qu’elle n’avait même jamais été abordée par lui dans ses rapports avec les ministres persans ; mais, s’apercevant ensuite, à quelques remarques sorties de ma bouche, que j’étais fort au courant de la discussion qui avait eu lieu en présence du shah au sujet d’Hérat, il me dit alors que du reste, pour cette expédition comme en toute autre matière, il avait donné les avis qui lui semblaient le plus favorables à l’intérêt de sa majesté persane. Ma réponse fut qu’à mon sens l’organisation de l’administration intérieure du royaume était l’objet le plus pressant qui dût attirer l’attention du shah, mais qu’après tout je ne voulais pas prendre sur moi de disputer au comte Simonich le droit de donner ici les conseils qu’il pouvait juger les plus opportuns. »


Il ne restait en vérité qu’à faire amende honorable pour avoir osé sonder les intentions d’un allié si fidèle ; c’était là tout ce que l’Angleterre gagnait à parler enfin d’une façon un peu plus directe, sinon plus déterminée : je me trompe, elle y gagnait encore de hâter les coups qu’elle voulait prévenir. La Russie avançait toujours, malgré les remontrances de l’ambassadeur anglais et malgré les appréhensions du cabinet persan, gourmandant les unes en raillant l’impuissance des autres. La guerre dont M. Ellis voulait douter le 16 avril est devenue certaine le 29. Il écrit à lord Palmerston :


« Il est impossible qu’on ne voie pas ici la portée de mes observations, et je tiens pour assuré que ni le shah ni ses ministres ne se sentent fort à l’aise en songeant à l’effet que pourrait produire sur le gouvernement britannique une poursuite plus opiniâtre de leurs projets favoris contre Hérat et Kandahar. Il devient cependant toujours plus probable que l’expédition aura lieu ; les régimens arrivent de l’Azerbijan ; ils ont reçu six mois de paie, et les démêlés de la frontière du sud-ouest sont arrangés de manière à laisser le shah parfaitement libre de se porter ailleurs.


Toutes ces facilités lui venaient de la Russie ; c’étaient les assurances pacifiques de la Russie qui lui permettaient de se dégarnir de troupes du côté de Tiflis ; c’était l’intervention de la Russie qui lui ménageait la neutralité des Turcs ; c’était l’argent de la Russie qui payait d’avance ces soldats sur lesquels on comptait à Saint-Pétersbourg pour se frayer le chemin de Calcutta ; c’étaient enfin les menaces de la Russie qui enchaînaient la Perse au rôle ambitieux qu’on lui avait imposé malgré ses prédilections pour l’Angleterre. « La Perse, écrivait