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dans la correspondance de M. Ellis. Voici des lettres curieuses par la naïveté avec laquelle on y retrace ce continuel progrès de l’influence russe, ce visible déclin du nom britannique, sans qu’on ait l’air pourtant de songer ni à relever l’un, ni à contrarier l’autre. M. Ellis écrit encore en avril ce qu’il écrivait en janvier ; seulement le ministre moscovite le prend alors de plus haut, le ministre anglais de plus bas, celui-ci ayant naturellement gagné tout le temps perdu par celui-là.


16 avril 1836.

« Je suis allé voir hier successivement Haji-Mirza-Aghassi et Mirza-Massoud ; je savais que l’envoyé russe avait eu la veille en leur présence une longue audience du shah ; l’entretien ayant roulé sur l’expédition d’Hérat, il avait recommandé qu’on se hâtât cette année même, parce que, disait-il, ce qu’on pourrait faire maintenant avec 10,000 hommes ne serait plus praticable l’année prochaine avec des forces doubles. Haji-Mirza-Aghassi m’avoua que le shah préférerait de beaucoup, à la nécessité d’une expédition contre Hérat, la soumission volontaire du khan et l’assurance qu’il ne renouvellerait plus ses brigandages.

« Mirza-Massoud me tint le même discours. On trouverait des difficultés si nombreuses à vouloir exécuter tout de suite cette entreprise, qu’on peut bien dire qu’il n’y a pas de raison de croire qu’elle aura lieu. J’ai essayé de faire mettre en ligne de compte, parmi ces difficultés, le risque sérieux d’inquiéter gravement le gouvernement britannique, laissant à penser de quel œil.on verrait les ministres persans admettre dans leurs conseils les avis et l’aide d’une autre puissance européenne. »


C’était là sans doute un pauvre langage, moins fâcheux encore cependant pour l’honneur anglais que cette impertinente comédie dont le diplomate russe allait se donner le plaisir : c’est M. Ellis lui-même qui fait tout au long le récit de sa déconvenue.


« Sachant que le ministre russe insistait sérieusement auprès du shah pour qu’il persévérât dans ses projets, et lui offrait même, en qualité d’homme du métier, de l’aider au besoin dans l’exécution, je me suis rendu aujourd’hui chez le comte Simonich, et je rapporte maintenant à votre excellence la substance de notre conversation.

« Je commençai par établir que l’Afghanistan devait être considéré comme la frontière de notre empire indien, qu’aucune nation européenne n’ayant encore de relations ni commerciales ni politiques avec cette contrée, l’Angleterre verrait nécessairement avec jalousie toute intervention directe ou indirecte dans les affaires qui la concernaient ; c’était sur ce principe que je m’appuyais pour m’excuser vis-à-vis du comte Simonich de la liberté avec laquelle je lui demandais s’il était vrai, comme le bruit en venait jusqu’à