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de combattre tout dérèglement d’imagination, toute entreprise violente sans portée et sans avenir, elle restera fidèle à ses traditions.


— Parmi les ouvrages intéressans publiés récemment sur l’époque impériale, il faut placer l’Histoire des cabinets de l’Europe pendant le consulat et l’empire, écrite avec les documens réunis au dépôt des archives des affaires étrangères[1] L’auteur, M. Armand Lefebvre, n’a pas voulu faire une histoire complète de l’homme qui a rempli de sa gloire les quinze premières années de ce siècle. Il s’est renfermé dans les strictes limites indiquées par le titre de son livre, n’admettant dans son cadre que ces grands faits intérieurs qui se lient par des rapports intimes à l’histoire extérieure et qui la complètent. Il s’est trouvé dans des conditions toutes spéciales pour entreprendre et accomplir une telle œuvre. Aux traditions de famille (son père a rempli sous le consulat et l’empire des postes diplomatiques d’une haute importance), il a réuni les lumières et la maturité que donne la connaissance des affaires. Lui-même a été long-temps attaché au département des affaires étrangères à ce titre, il a sollicité et obtenu la communication des correspondances de nos agens diplomatiques, et cette étude l’a initié à tous les secrets de la politique du temps. Son livre est le fruit de ces longues et consciencieuses études, et comme le résumé des précieux manuscrits que renferme, sur la diplomatie de la période consulaire et impériale, le dépôt des archives. M. Armand Lefebvre a su éviter l’écueil contre lequel bien d’autres à sa place auraient échoué. Il ne s’est laissé ni absorber ni entraver par cette multitude infinie de notes, de protocoles, de déclarations, conventions et traités, qui sont en quelque sorte les formes extérieures et matérielles sous lesquelles la diplomatie se manifeste au public ; formes presque toujours menteuses ou incomplètes. C’est dans les correspondances de nos agens à l’étranger qu’il est allé chercher la vérité ; c’est là qu’il a pénétré les mystères de ces trames funestes si souvent ourdies par nos ennemis contre notre puissance, que nous avons, à force de génie et de courage, déjouées et vaincues pendant vingt ans, et sous lesquelles nous avons fini par succomber. Il faut voir dans son livre bien moins une histoire diplomatique qu’un tableau fidèle et animé de la lutte prodigieuse qui s’ouvre dans les champs de Marengo et qui finit dans les solitudes de Sainte-Hélène.— Les deux premiers volumes de l'Histoire des cabinets de l’Europe sous l’empire viennent de paraître ; ils embrassent la période écoulée depuis l’établissement du consulat jusqu’à la fin de la campagne de Prusse, en 1806.



V. de Mars.
  1. Chez Gosselin, éditeur, rue Jacob, 40.