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donnerait peut-être gain de cause aux principes les plus subversifs, L’indépendance suisse est ombrageuse, et la colère patriotique des honnêtes gens faciliterait l’accomplissement des desseins de la violence radicale. La seule démarche véritablement efficace qui se puisse tenter par les puissances amies de la confédération est celle qui engagerait le pape à défendre aux jésuites d’entrer à Lucerne. On dit qu’elle a été faite. Cela serait fort à souhaiter et pour la Suisse, et pour Lucerne, et pour les jésuites eux-mêmes, car ils commencent avec raison à trembler à Fribourg.

Il y a quelques années, les Suisses ne s’inquiétaient guère des jésuites ; ils en parlaient à peine, et on les eût fort étonnés en leur disant que cette question pouvait les regarder un jour. Qui eût prévu qu’après deux ans tout serait tempête dans un ciel si calme, et pour cela ? Mais la vie suisse est si fortement organisée, qu’elle soutiendra, nous n’en doutons point, ce terrible accès de fièvre, et, dût le sang couler, ce qu’à Dieu ne plaise ! la confédération helvétique reprendra bientôt, avec sa tranquillité, la place moralement élevée que lui assignent son développement intellectuel et social, ses mœurs pures et modestes, ainsi que ses vertus intimes et patriotiques.




L’article que nous avons récemment publié sur la Renaissance du Voltairianisme a produit dans la presse, dans les écoles et dans les hautes parties du monde politique et littéraire, une impression qui n’est point encore effacée. Cette émotion générale excitée par un acte de courage et de vigueur, les cris des blessés, la fureur de leurs amis, l’absence complète de toute réplique sérieuse, la substitution désespérée des outrages aux bonnes raisons, tout prouve que l’auteur de l’article avait visé juste, et que le coup a porté. Un seul incident est regrettable dans cette lutte décisive, c’est qu’un écrivain dont les opinions avaient été discutées avec gravité et combattues avec mesure ait entrepris, sous l’inspiration d’une colère portée jusqu’à l’oubli de sa dignité, d’imprimer à un sérieux et loyal débat le triste caractère d’une discussion personnelle, et qu’il ait jeté dans la presse démocratique une lettre qui a affligé ses meilleurs amis, et dont les journaux les moins scrupuleux en fait de personnalités violentes ont rougi pour lui. Nous cherchons encore une explication spécieuse à ces déplorables emportemens, de la part d’un écrivain qui aspire à l’honneur de défendre aux premiers rangs le droit illimité du libre examen. Dans l’approbation à peu près unanime qui a accueilli l’article de la Revue des Deux Mondes, si quelques esprits exercés aux combinaisons de la stratégie politique ont fait leurs réserves sur la question d’opportunité, il n’en est pas un seul qui n’ait pleinement rendu hommage à la franchise de l’attaque, à la solidité, à la sincérité de la discussion, et par-dessus tout à sa parfaite mesure, à sa convenance irréprochable. Qu’a-t-on répondu à cette critique élevée, si décente dans sa vigueur même ? Rien, absolument rien, car les outrages ne comptent pas. Que M. Michelet considère d’un œil attentif l’attitude générale de la presse à l’égard de son livre. Sur toute cette immense ligne qui s’étend depuis les journaux honnêtes du parti religieux jusqu’à la presse démocratique, silence